L'apprentissage statistique dans la prédiction des comportements suicidaires chez les adolescents et jeunes adultes
Auteur / Autrice : | Marie Navarro |
Direction : | Sylvana Côté, Massimiliano Orri |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Santé publique Option Biostatistiques |
Date : | Soutenance le 14/01/2022 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Talence, Gironde ; 2011-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Bordeaux population Health |
Jury : | Président / Présidente : Christophe Tzourio |
Examinateurs / Examinatrices : Alexandra Rouquette, Stéphane Duchesne | |
Rapporteur / Rapporteuse : Bruno Falissard, Mario Speranza |
Mots clés
Résumé
Le suicide fait partie des premières causes de mortalité dans le monde, et les jeunes de 15 à 29 ans sont particulièrement touchés, puisque, au niveau mondial, il s’agit de la quatrième cause de décès dans cette tranche d’âge. La problématique suicidaire a fait l’objet de nombreuses études épidémiologiques, ce qui a permis l’identification de facteurs de risques proximaux (victimisation, consommation d’alcool...) et distaux (âge gestationnel, dépression maternelle. . .). Pourtant, malgré l’apport de ces informations sur l’étiologie du suicide, les facteurs de risque identifiés jusqu’à présent n’ont pas permis une prédiction satisfaisante des comportements suicidaires (idéations et tentatives de suicide). Un changement de paradigme, avec des modèles statistiques adaptés à la prédiction et supportant un grand nombre de variables simultanément, pourrait permettre une meilleure identification des jeunes à risque. L’objectif de cette thèse était d’étudier la prédiction des comportements suicidaires chez les jeunes, en utilisant des méthodes d’apprentissage statistique. Ces travaux ont été réalisés avec 3 grandes cohortes de population générale, deux cohortes canadiennes, l’Étude Longitudinale du Développement des Enfants du Québec (ÉLDEQ) et l’Étude Longitudinale des Enfants de Maternelle du Québec (ÉLEMQ), et la cohorte étudiante française internet-based Students HeaAlth Research Enterprise (i-Share). Des modèles de prédiction ont été construits avec des méthodes d’ensemble : les forêts aléatoires. La première étude de ces travaux de thèse avait pour objectif de prédire les tentatives de suicide rapportées, entre 13 et 20 ans, par les adolescents de la cohorte ÉLDEQ, en utilisant des facteurs périnataux (intra-utérins, natals et jusqu’aux 5 premiers mois de vie). Ces facteurs, bien qu’importants dans l’étiologie du suicide, n’ont permis qu’une prédiction limitée des tentatives de suicide à l’adolescence. La deuxième étude s’est intéressée au pouvoir prédictif de 38 symptômes émotionnels et comportementaux, évalués par l’adolescent, la mère et l’enseignant à 12/13 ans, des jeunes de la cohorte ÉLEMQ. Dans l’ensemble, la qualité de prédiction des comportements suicidaires à l’âge de 15 ans, à partir de ces 38 symptômes, était faible à moyenne. Des différences ont été identifiées en fonctions de l’évaluateur des symptômes et de l’évènement considéré (idéations ou tentative de suicide), tant dans la qualité de la prédiction, que dans l’importance des symptômes dans la prédiction. Les évaluations de l’enseignant, avec 3 symptômes d’anxiété, permettaient la meilleure prédiction des idéations suicidaires, alors que les évaluations de la mère et de l’adolescent, avec des symptômes d’inattention et d’opposition, permettaient les meilleures prédictions des tentatives de suicide. La troisième étude cherchait à prédire les comportements suicidaires chez les étudiants français de la cohorte i-Share. À partir de différentes caractéristiques socioéconomiques, familiales, de santé (physique et mentale) et des habitudes de vie, recueillies à l’inclusion dans la cohorte, nous avons obtenu de bonnes performances de prédiction des comportements suicidaires un an plus tard. Les facteurs les plus importants pour la prédiction étaient : le niveau de dépression, d’anxiété et d’estime de soi. Dans l’ensemble, ces travaux montrent que la prédiction des comportements suicidaires est meilleure en utilisant des informations proximales plutôt que distales. De plus, les résultats indiquent que les facteurs contribuant à l’étiologie du suicide ne sont pas nécessairement des facteurs permettant l’identification des jeunes à risque. Ces travaux montrent l’intérêt des modèles d’apprentissage statistique dans le développement d’algorithmes permettant l’identification des jeunes à risque de comportements suicidaires. Ces algorithmes pourraient s’ajouter aux outils à disposition des professionnels de la santé impliqués dans la prévention du suicide.