Thèse soutenue

La compétence vectorielle comme indicateur d’un risque épidémique : la fièvre jaune à la Martinique, dans la Caraïbe et en Amérique

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Auteur / Autrice : Gaelle Gabiane
Direction : Juliette Emilie Smith-RavinAnna-Bella Failloux
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Physiologie et biologie des organismes - populations - interactions
Date : Soutenance le 14/12/2022
Etablissement(s) : Antilles
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Dynamique des environnements dans l'espace Caraïbes-Amériques (Pointe-à-Pitre ; 2022-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut Pasteur (Abymes - Guadeloupe) - Arbovirus et Insectes Vecteurs - Arboviruses and Insect Vectors
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Fabrice Chandre, Xavier de Lamballerie, André Cabié, Sandrine Castelain, Anubis Vega Rua, Jean-Bernard Duchemin, Nathalie Duclovel-Pame, Manuel Etienne
Rapporteur / Rapporteuse : Fabrice Chandre, Xavier de Lamballerie

Résumé

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L’étude des maladies à transmission vectorielle représente un intérêt majeur pour la Caraïbe en raison de la présence en fortes densités du moustique Aedes aegypti, principal vecteur d’arbovirus. La Martinique et la Caraïbe sont, depuis des décennies, soumises à de régulières épidémies de dengue. L’arrivée et l’installation successif de deux nouveaux arbovirus, celui du chikungunya (CHIKV) en 2013, et celui du Zika (ZIKV) en 2015, a de nouveau mis en lumière l’importance de l’étude des maladies à transmission vectorielle et réveillé la crainte de l’émergence d’un autre arbovirus dans les îles, le virus de la fièvre jaune (YFV). Originaire d’Afrique, le YFV fut transporté dans le nouveau monde lors de la traite des esclaves (15ème - 19ème siècle) et causa des épidémies dévastatrices, principalement dans les agglomérations urbaines. Après plus de deux siècles d’épidémies, la fièvre jaune ne sévit plus dans les îles de la Caraïbe, et ceci, suite au programme d’éradication du vecteur Ae. aegypti initié au début du 20ème siècle. La Caraïbe semble depuis épargnée par le virus, en dépit de l’omniprésence du moustique vecteur Ae. aegypti dans les îles (suite à l’assouplissement des programmes de contrôle) et de la présence du virus dans les forêts tropicales d’Amérique du Sud et de Trinidad au sein d’un cycle enzootique. Le YFV appartient à la famille des Flaviviridae et au genre Flavivirus, comme les virus de la dengue (DENV) et du Zika. Le YFV est présent en Afrique sub-saharienne et en Amérique du Sud (7 génotypes de YFV décrits : 2 en Amérique et 5 en Afrique). Les récentes épidémies de fièvre jaune en Angola en 2016 et plus largement, en Afrique de l’Ouest ainsi que celles du Brésil en 2017 et 2018 indiquent des changements dans la distribution actuelle de la maladie dans les régions tropicales et subtropicales d’Amérique du Sud et d’Afrique. Des voyageurs infectés assurant des introductions multiples dans les îles font craindre la survenue d’une épidémie initiée par un cas importé. A l'heure où les échanges de voyageurs et marchandises s'intensifient, un risque d’introduction du YFV dans la Caraïbe n’est donc pas à exclure. Dans une optique de prévention et d’évaluation de ce risque, l’objectif de ce projet de thèse est d’évaluer le risque d’émergence de la fièvre jaune à la Martinique et dans la Caraïbe où la population humaine est immunologiquement naïve pour ce virus et exposée au vecteur. Nos résultats montrent que les populations de moustiques de la Caraïbe et d’Amérique infectés par différents génotypes de YFV, sont capables de transmettre les 5 YFV avec des charges virales dans la salive du moustique pouvant atteindre plus de 2000 particules virales. Néanmoins, les glandes salivaires jouent un rôle prépondérant de frein à la transmission, un rôle plus important que l’intestin moyen. Nous avons également mis en évidence une corrélation entre la charge virale contenue dans l’intestin moyen ou la carcasse du moustique et son statut infectieux ; le franchissement de chaque barrière anatomique (intestin moyen et glandes salivaires) nécessite une charge virale élevée détectée dans le compartiment précédent. En examinant la diversité virale dans les différents compartiments du moustique, nous avons pu mettre en évidence des variants viraux présents dans l’intestin moyen et la carcasse mais absents du repas infectieux. Enfin, nous avons démontré qu’Aedes albopictus était compétent à transmettre les 5 YFV, pouvant ainsi jouer le rôle de vecteur secondaire. Au regard de ces résultats, nous pouvons conclure que le risque de réémergence et de propagation du YFV dans la Caraïbe est réel et que ce risque dépend de la combinaison virus/moustique. Ces données pourront être une base pour l’élaboration d’une cartographie de la compétence vectorielle des moustiques, de protocoles de surveillance, de lutte antivectorielle, et de conception de plans d’actions d’urgence.