Thèse soutenue

Des "idiots" à l'hôpital psychiatrique depuis les années soixante : quand l'histoire institutionnelle devient celle du sujet

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Auteur / Autrice : Isabelle Basset
Direction : Philippe Spoljar
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie. Psychologie clinique
Date : Soutenance le 16/12/2022
Etablissement(s) : Amiens
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales (Amiens)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire des sociétés, des sciences et des conflits (Amiens ; 2008-....)
Jury : Président / Présidente : Bernard Pachoud
Examinateurs / Examinatrices : Lise Demailly, Silke Schauder
Rapporteurs / Rapporteuses : Isabelle von Bueltzingsloewen, Denis Mellier

Résumé

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Ce travail s'appuie sur notre expérience de psychologue clinicienne dans une maison d'accueil spécialisée. L'institution, ouverte en 2003, a été créée par un hôpital psychiatrique afin d'y orienter ses patients déficitaires hospitalisés depuis l'enfance. Lors de notre arrivée dans l'institution en 2011, l'histoire subjective de chaque accueilli nous a semblé occultée par une histoire collective où se mêlaient nos représentations historiques de la psychiatrie asilaire évoquant la déshumanisation, la promiscuité et les mauvais traitements. Dans les dossiers d'hospitalisation, nous avons retrouvé le terme générique d'"idiotie" et une certaine confusion diagnostique. Nous nous sommes alors intéressée aux conceptions historiques de l'idiotie pour y reconnaître leur influence sur le traitement, tant thérapeutique que social, de ces sujets présentant des pathologies de type archaïque. En envisageant l'histoire avec une dimension d'héritage transgénérationnel, nous avons éclairé la rémanence des thématiques anciennes d'incurabilité, d'inéducabilité et de dégénérescence, qui sont devenues peu à peu des représentations collectives. Ce sont leurs traces que nous avons étudiées tout au long de ce travail, leur transformation soutenant des processus fantasmatiques envahissants générant des expériences de honte, articulées aux mécanismes d'indifférenciation, de mésinscription et de liminalité. À partir d'un matériel clinique constitué des dossiers, des rencontres avec des familles, mais aussi avec des anciens soignants de l'hôpital, nous proposons qu'une démarche historisante et narrative devienne opérante pour les intervenants de la maison d'accueil spécialisée et ses accueillis, afin d'enrayer les mécanismes déshumanisants du clastique et de l'archaïque qui constituent cette clinique de l'extrême. Ainsi, considérer l'histoire singulière du sujet consiste à lui permettre d'occuper une place différenciée dans la relation intersubjective. Notre thèse s'appuie sur un regard épistémologique au croisement des sciences humaines pour interroger le processus d'institutionnalisation de ces sujets déficitaires et ses impacts, dans une dimension tant métapsychologique que socio-historique. Nous l'articulons à l'évolution des politiques publiques concernant la psychiatrie et le champ médico-social en France