Thèse soutenue

Génomique fonctionnelle des prédispositions génétiques du mélanome uvéal

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Auteur / Autrice : Anne-Céline Derrien
Direction : Marc-Henri Stern
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Génétique
Date : Soutenance le 10/11/2021
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Hématologie, oncogenèse et biothérapies (Paris ; 2014-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Cancer, Hétérogénéité, Instabilité et Plasticité - Unité de génétique et biologie des cancers / U830
Equipe de recherche : Réparation de l'ADN & Mélanome Uvéal (DRUM)
établissement opérateur d'inscription : Institut Curie (Paris ; 1978-....)
Jury : Président / Présidente : Robert Ballotti
Examinateurs / Examinatrices : Marc-Henri Stern, Robert Ballotti, Anne M Bowcock, Laufey AMUNDADOTTIR, Sergio Roman-Roman
Rapporteurs / Rapporteuses : Anne M Bowcock, Laufey AMUNDADOTTIR

Résumé

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Le mélanome uvéal (MU) est un cancer rare, mais reste la tumeur intraoculaire la plus fréquente chez l’adulte avec 500 nouveaux cas par an en France. Le MU est lié à la transformation maligne des mélanocytes de l’uvée, composée de la choroïde (90% des cas), du corps ciliaire (6%) et de l’iris (4%). Le MU a une faible charge mutationnelle et comporte deux événements oncogéniques majeurs : l’activation constitutive de la voie de signalisation Gaq par mutations activatrices mutuellement exclusives de GNAQ, GNA11, PLCB4 ou CYSLTR2, et une seconde étape dans la transformation maligne, caractérisée elle aussi par des mutations mutuellement exclusives impactant le risque métastatique : les mutations de BAP1 (associées à une inactivation bi-allélique du gène par perte de l’allèle sauvage par monosomie 3, M3) constituent le MU à haut risque métastatique et mauvais pronostic, tandis que les mutations de SF3B1 ou EIF1AX (associées à la disomie 3, D3) confèrent un risque respectif intermédiaire et faible de métastases. Le très mauvais pronostic du MU métastatique, hépatique dans la majorité des cas, se caractérise par une survie médiane de 12 mois. Le MU est associé aux populations européennes, et aux individus à la peau et aux yeux clairs, avec un risque relatif (RR) 10 à 20 fois plus élevé chez les populations de souche européenne qu’africaine ou asiatique. L’absence de signature UV exclue le rôle des différences de pigmentation dans la protection des UV pour expliquer cette épidémiologie remarquable. De même, les mutations germinales de BAP1, seul facteur de risque génétique à forte pénétrance connu, n’expliquent qu’une partie des cas familiaux du MU, suggérant l’existence d’autres facteurs de prédisposition génétique.Nous avons émis l’hypothèse d’allèles à risque prédisposant les populations européennes au MU. Nous avons utilisé deux approches : (i) l’évaluation du gène candidat MBD4 par criblage de mutations dans une cohorte consécutive de 1,093 patients de MU, nous permettant de démontrer que MBD4 prédispose au MU à haut risque métastatique avec un RR de 9 comparé à la population générale ; et (ii) l’identification de polymorphismes fréquents de risque par étude d’association pan-génomique et la caractérisation de leurs conséquences moléculaires par une étude de génomique fonctionnelle. Nous avons ainsi pu démontrer l’implication de régions de risque sur les chromosomes 5, 6 et 14 (loci respectifs TERT/CLPTM1L, IRF4 et HERC2/OCA2). Les deux derniers loci ont un rôle majeur dans la pigmentation ; nous avons pu montrer leur association différentielle avec le MU à haut (M3) et faible (D3) risque métastatique (HERC2/OCA2 et IRF4 respectivement), indiquant deux facteurs de risque distincts ayant un impact sur le potentiel métastatique. Enfin, la caractérisation fonctionnelle du locus TERT/CLPTM1L nous a permis de démontrer la spécificité allélique de la régulation génique à cette région et d’identifier un variant fonctionnel du MU : rs452384. Celui-ci permet la fixation différentielle de facteurs nucléaires, parmi lesquels nous avons identifié par spectrométrie de masse quantitative NKX2.4, facteur de transcription spécifiquement associé à l’allèle T de rs452384. La sous-expression de NKX2.4 dans des modèles cellulaires du MU résulte en l’augmentation légère mais significative de l’expression des gènes TERT et CLPTM1L, constituant la première étape dans l’élucidation des mécanismes biologiques de cette région de risque. Enfin, nous émettons l’hypothèse que rs452384 régule de manière différentielle la longueur des télomères, avant l’apparition de la tumeur. Ces résultats mettent en avant le rôle de facteurs de risque à pénétrance faible ou modérée dans le MU et l’implication potentielle de mécanismes biologiques sous-jacents. Notamment, l’impact clinique du MU dans un contexte d’inactivation de MBD4 est l’inclusion de MBD4 dans les panels oncogénétiques pourraient permettre l’identification de patients répondant à l’immunothérapie.