Les sources védiques de la théorie de la renaissance
Auteur / Autrice : | Isabelle Duperon |
Direction : | Jan E. M. Houben |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Etudes de l'Extrême-Orient |
Date : | Soutenance le 26/03/2021 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Groupe de recherches en études indiennes. Paris - Groupe de recherches en études indiennes (EA2120) |
Établissement de préparation de la thèse : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Georges-Jean Pinault |
Examinateurs / Examinatrices : Sylvain Brocquet, Alexander Markovitsj Lubotsky, Daniele Cuneo, Silvia D'Intino, Stephanie W. Jamison, Johannes Bronkhorst | |
Rapporteur / Rapporteuse : Sylvain Brocquet, Alexander Markovitsj Lubotsky |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Au sein de la tradition brahmanique indienne, la théorie de la renaissance (punar-janman), affirmant que les êtres traversent un cycle de morts et de renaissances pour épuiser leur karman, n’apparaît pas avant les Upaniṣad, qui constituent la couche la plus récente du corpus védique. Deux thèses s’affrontent dans l’indianisme à propos de l’origine de cette doctrine : pour certains auteurs, elle serait issue d’une tradition non-védique, voire non-indo-européenne, qui aurait produit le jaïnisme et le bouddhisme, et finalement influencé les milieux brahmaniques. Pour d’autres indianistes, la doctrine de la renaissance proviendrait d’une évolution interne à la tradition védique, au cours de laquelle des éléments précurseurs auraient été successivement élaborés. Le présent travail de doctorat défend la deuxième solution, à partir d’un examen détaillé des textes du corpus védique. Il dégage d’abord les éléments précurseurs présents dans les Brāhmaṇa tardifs (qui sont les textes védiques immédiatement antérieurs aux Upaniṣad, et qui sont consacrés à l’explication du rituel védique) : l’accomplissement de certains sacrifices a pour effet nécessaire la production d’une réserve d’effets « karmiques » qui permet au sacrifiant de monter au ciel après sa mort et d’obtenir d’y séjourner, mais cette réserve est limitée et s’épuise progressivement, ce qui va finalement de mettre un terme à l’existence céleste ; de nombreux passages des Brāhmaṇa évoquent le phénomène de la « re-mort » (punar-mrtyu) qui risque d’atteindre le sacrifiant défunt dans le monde céleste. C’est pourquoi les Brāhmaṇa proposent des méthodes pour rendre illimités les sacrifices (de manière à ce qu’ils génèrent une réserve d’effets illimités), et / ou pour empêcher que se produise le phénomène de la « re-mort ». On peut montrer que ces méthodes mettent en jeu une connaissance ésotérique, adjointe au rite, qui joue ainsi un rôle salvifique pour procurer l’immortalité (dans certains cas, cette connaissance est censée produire le sāyujya ou union avec la Déité suprême), ce qui anticipe ainsi sur la thèse upaniṣadique selon laquelle la connaissance a le pouvoir de délivrer de la renaissance. Ensuite le présent travail présente en détail les textes des Yajur-veda Saṃhitā (Taittirīya, Kāṭhaka, Maitrāyaṇi) et de l’Atharva-veda montrant que ces conceptions des Brāhmaṇa tardifs (épuisement des effets du sacrifice, punar-mrtyu, sāyujya) ont des racines plus anciennes dans le corpus védique – elles ne sont donc pas empruntées à une tradition étrangère. Enfin, il reconstitue la façon dont s’est effectuée la transition entre les idées des Brāhmaṇa tardifs et les premières conceptions de la doctrine de la renaissance figurant dans les Upaniṣad les plus anciennes (avec le remplacement de la « re-mort » par la renaissance) ; il insiste sur le rôle moteur qu’ont joué dans ce processus les milieux sāma-védiques, dans les rangs desquels se trouvaient des kṣatriya ayant très probablement apporté une contribution originale aux spéculations concernant la renaissance.