Thèse soutenue

La fabrique du Kilimandjaro : savoirs géographiques, représentations et constructions impériales en Afrique de l'Est au XIXe siècle

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Auteur / Autrice : Delphine Froment
Direction : Hélène Blais
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 10/12/2021
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut d'histoire moderne et contemporaine (Paris ; 1978-....)
établissement de préparation de la thèse : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
Jury : Président / Présidente : Henri Médard
Examinateurs / Examinatrices : Hélène Blais, Henri Médard, Camille Lefebvre, Isabelle Surun, Jakob Vogel, Richard Harry Drayton
Rapporteurs / Rapporteuses : Camille Lefebvre, Isabelle Surun

Résumé

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Cette thèse porte sur le processus d’invention et de construction des territoires d’Afrique de l’Est dans un contexte où, au XIXe siècle, la présence européenne, de plus en plus importante, aboutit à la colonisation. L’analyse porte plus précisément sur la région du Kilimandjaro, qui offre un cadre d’observation particulièrement intéressant. Alors que l’hinterland est-africain est déjà sillonné par de multiples routes caravanières, dont certaines font du Kilimandjaro une étape importante, ce haut massif (5 895 mètres, ce qui en fait le plus haut sommet du continent) reste longtemps inconnu des Européens. Observé pour la première fois par un missionnaire en 1848, il suscite vite l’intérêt de la scène géographique européenne, d’abord à cause de ses neiges – dont certains doutent de l’existence, ce qui alimente une importante controverse –, mais aussi du fait de sa qualité d’objet-montagne – phénomène topographique apprécié de savants européens imprégnés des pratiques et approches humboldtiennes, qui y voient un excellent laboratoire à ciel ouvert pour étudier la nature. Arpenté dans la seconde moitié du XIXe siècle par des explorateurs britanniques et allemands, qui s’appuient sur des guides, porteurs, interprètes et informateurs, le Kilimandjaro devient un élément central dans les imaginaires européens qui se forgent sur l’Afrique de l’Est. Surtout, la montagne et ses multiples ressources suscitent un engouement impérial en Grande-Bretagne et en Allemagne : le Kilimandjaro est au centre du Scramble for Africa qui se joue en Afrique de l’Est dans les années 1880. Finalement intégré à l’Afrique orientale allemande, il est présenté comme le joyau de l’empire colonial allemand, et reste longtemps un symbole pour l’Allemagne même après la perte de ses colonies en 1919. L’objectif est ainsi de retracer la construction géographique, scientifique et politique du Kilimandjaro sous l’impulsion européenne, et la manière dont il a gagné une importance telle dans les représentations qu’il est devenu une métonymie géographique signifiante de l’empire allemand. Un premier axe de recherche porte sur l’élaboration des savoirs géographiques et cartographiques sur cette région, et sur l’invention du massif du Kilimandjaro, tant par les Européens que par les Africains qui y vivent ou y circulent et qui ont pu jouer un rôle d’informateurs. Cette thèse montre que les représentations européennes ainsi forgées sont largement tributaires de celles des populations est-africaines que les acteurs occidentaux rencontrent – mais tendent aussi, en retour, à s’imposer localement et à influencer certaines pratiques est-africaines. Un deuxième axe de cette recherche porte sur l’impérialisme en Afrique de l’Est, et la manière dont ces savoirs géographiques et représentations spatiales ont eu par la suite une influence sur la manière de délimiter et gérer les territoires impériaux britannique et allemand mis en place à partir de la fin des années 1880. Si cette thèse, en s’insérant dans l’histoire des sciences, de l’exploration et de l’alpinisme, propose une histoire de la construction du Kilimandjaro, elle fait aussi le pari de la haute valeur heuristique de cette montagne pour l’histoire de l’Afrique de l’Est entre le XIXe siècle et le début du XXe siècle. Au travers du Kilimandjaro, saisi comme objet-géographique et territoire en construction, cette étude entend contribuer à une meilleure compréhension des dynamiques sociales, politiques, économiques et culturelles qui, plus largement, se jouent alors dans cette partie du continent africain.