Thèse soutenue

Évaluation des risques de transmission zoonotique de virus des animaux à l'Homme : études sérologiques et épidémiologiques des virus HTLV-1 et Ebola dans les populations en contact avec des primates non-humains en Afrique Centrale

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Auteur / Autrice : Jill-Léa Ramassamy
Direction : Antoine Gessain
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Microbiologie
Date : Soutenance le 22/11/2021
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Bio Sorbonne Paris Cité (Paris ; 2014-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Unité d'Epidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes (Paris)
Jury : Président / Présidente : Sylvie Van der Werf
Examinateurs / Examinatrices : Sylvie Van der Werf, Stéphan Zientara, Edward Murphy, Martine Peeters, François Simon
Rapporteurs / Rapporteuses : Stéphan Zientara, Edward Murphy

Résumé

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Les contacts entre les animaux et l'Homme sont des facteurs de risque majeurs de transmission d'agents infectieux, pouvant aboutir à l'émergence de nouvelles maladies. Les primates non-humains (PNH) sont à l'origine d'émergences virales majeures en population humaine, comme le rétrovirus T-Lymphotrope Humain de type 1 (HTLV-1), responsable de la leucémie T de l'adulte et de la paraparésie spastique tropicale chez l'Homme. Sa transmission est aujourd'hui presque exclusivement interhumaine mais des transmissions zoonotiques ont toujours lieu en Afrique Centrale. Les PNH peuvent également être une source d'infection par les virus Ebola, responsables d'épidémies de fièvres hémorragiques fatales chez l'Homme et d'épizooties chez les grands singes, la contamination pouvant se faire lors de la manipulation de carcasses de grands singes infectés. Cependant, on ignore si un contact avec des singes, dans un contexte hors-épizootie, représente un risque de transmission du virus. De 2018 à 2020, nous avons réalisé six missions d'enquêtes épidémiologiques à l'Est du Cameroun pour explorer les pratiques favorisant les contacts avec la faune sauvage. Les données de contact (comme la consommation de viande de brousse, le dépeçage ou la chasse) auprès de 3400 personnes interrogées, montrent une exposition élevée à la faune sauvage, en particulier avec les rongeurs, les PNH mais également les chauves-souris. Les contacts avec les PNH sont très fréquents, plus de 90% de la population consomme de la viande de PNH, 33% en ont déjà chassé et 1.7% (57 personnes) ont déjà été mordues par un PNH (68% par des petits singes, 28% par des gorilles et 4% par un chimpanzé). Nous avons mesuré une prévalence de l'HTLV-1 de 1% dans cette population (36/3400) avec les tests sérologiques ELISA et Western Blot et par PCR sur le gène de l'enveloppe. Les facteurs de risques associés à l'HTLV-1 en analyse multivariée sont l'ethnie Pygmée, des antécédents d'hospitalisation ou d'opération, la morsure par un gorille et la griffure par un petit singe. Ces résultats illustrent à la fois la part conséquente de la transmission zoonotique dans cette population mais soulève également la possibilité d'une transmission nosocomiale de l'HTLV-1. Au Gabon, la prévalence de l'HTLV-1 sur 3123 donneurs de sang de Libreville est faible, de 0.74% mais pose néanmoins un risque non négligeable de transmission parentérale. Dans la population rurale adulte du Gabon, qui est cinq fois plus à risque d'être infectée, la morsure par un PNH apparaît également comme un facteur de risque. Pour déterminer le risque d'exposition aux filovirus Ebola lors de contact avec des PNH, nous avons testés 265 personnes mordues et 530 contrôles (appariés sur l'âge, le sexe et l'ethnie) vivant au Cameroun avec un test sérologique Luminex. Nous avons détecté la présence d'anticorps dirigés contre au moins deux protéines virales testées (la nucléoprotéine, la glycoprotéine GP ou la protéine virale VP40) dans 10% et 9% pour le virus Zaïre et Soudan respectivement, dans les deux groupes. Cette étude ne montre pas d'association avec la morsure par un PNH mais démontre une séroprévalence deux fois plus élevée chez les Pygmées, témoignant probablement d'une exposition à des filovirus. Les analyses de mesure d'affinité des anticorps pour les glycoprotéines, tendent à montrer des affinités moindres pour la GP Zaïre mais plus fortes pour GP Soudan, que les affinités observées chez des survivants d'Ebola en Guinée. La présence d'anticorps dirigés contre des protéines des virus Ebola au Cameroun, où aucune épidémie n'a été recensée, pose la question d'une circulation soit silencieuse du virus Soudan, soit d'un autre filovirus, non pathogène, qui croise d'un point de vue antigénique. Ces travaux illustrent le risque élevé de transmission zoonotique dans les zones forestières du Cameroun, pour des virus connus comme l'HTLV-1 mais également la circulation d'agents à potentiels émergents qu'il reste à identifier.