Thèse soutenue

La logique du fétichisme et les limites de l'Aufklärung

FR  |  
EN  |  
PT
Auteur / Autrice : Ariana Moura Gomes
Direction : Georgios DimitriadisSimone Perelson
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Recherches en psychanalyse et psychopathologie
Date : Soutenance le 09/07/2021
Etablissement(s) : Université Paris Cité en cotutelle avec Universidade federal do Rio de Janeiro
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Recherches en psychanalyse et psychopathologie (Paris ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société (Paris ; 2001-....)
Jury : Président / Présidente : Vinicius Darriba
Examinateurs / Examinatrices : Vinicius Darriba, Rose Gurski, Beatriz Santos, Joël Birman, Christian Ingo Lenz Dunker, Ana Maria Rudge
Rapporteurs / Rapporteuses : Rose Gurski

Résumé

FR  |  
EN  |  
PT

L'histoire du concept de fétichisme se confond souvent avec l'histoire des sciences humaines. Le terme, qui puise son origine dans des rapports de navigateurs marchands sur les coutumes religieuses des peuples étrangers, servira dès le début à désigner ce qui s'inscrirait dans le domaine de l'étrange et du primitif, établissant ainsi une frontière par rapport au civilisé et à l'éclairé. D'autres champs de connaissance reprendront plus tard le terme, lequel héritera alors, à des degrés divers, de cette conception selon laquelle la pensée fétichiste serait la quintessence de la pensée non éclairée. Nous proposons par la présente thèse d'examiner les éléments fondamentaux qui composent le fétichisme, notamment à partir de son appropriation par la psychanalyse, en soulignant la transformation qu'elle a entrainée dans la compréhension d'un tel concept - quand la pensée fétichiste a été conçue, elle était loin de constituer un manque surmontable de capacité d'abstraction, c'est une partie constitutive et essentielle du désir. Une telle innovation est apportée par Marx, qui souligne que le fétichisme de la marchandise est une illusion objective nécessaire aux échanges du marché. En interrogeant la place qu'occupe ce concept en psychanalyse, nous verrons comment le fétichisme est porté au niveau de paradigme de la structure perverse, à partir de la manière dont, au contraire de ce qui se passe avec le fantasme névrotique, le pervers occupera, lui-même, la place d'objet fétiche, s'offrant comme instrument d'accomplissement de la jouissance de l'Autre et restituant sa complétude imaginairement perdue. La position d'objet fétiche qu'occupe le pervers sera illustrée dans l'œuvre de Sade, que Lacan examine dans une articulation complexe avec la philosophie de Kant, ce dernier répertorié ici comme représentant privilégié des Lumières. Nous verrons que Kant avec Sade sera l'entrée de Lacan dans un débat qui a gagné en importance dans le contexte d'après-guerre et qui pressentait de plus en plus que la barbarie vécue les années précédentes ne serait pas seulement en désaccord avec les attentes de l'établissement de la paix par la raison, mais qu'elle serait précisément le résultat d'une obscurité intrinsèque au projet des Lumières. Ainsi, comprenant l'œuvre de Sade et la place de l'instrument que jouent ses personnages libertins face à une loi destructrice aussi rigoureuse que l'impératif catégorique de Kant, nous cherchons par le présent travail à démontrer comment le fétichisme a émergé à nouveau comme un concept qui problématise l'idéal de l'illustration. Considérant le libéralisme comme l'une des branches les plus pertinentes des Lumières, nous démontrons que la littérature sadienne, comme elle l'a fait avec Kant, illustre les conséquences néfastes résultant d'une obéissance aveugle à la loi du marché. De ce qui précède, nous concluons que Sade aurait, par l'usage de l'ironie, dépeint un cadre dans lequel les préceptes illuministes (de Kant, mais également des libéraux) ont été poussés jusqu'à leurs extrêmes limites, cadre où les sujets sont soumis et rendus eux-mêmes en objets fétiches voués à manœuvrer ce nouveau monde éclairé dans lequel la raison se présente comme un organe de domination.