La felicitas des imperatores sous la République romaine : étude d'anthropologie historique

The felicitas of the imperatores during the roman Republic : a study of historic anthropology

• Auteur / Autrice : Adrien Coignoux
• Direction : Jean-Pierre Guilhembet, Stéphanie Wyler
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Histoire et civilisations
• Date : Soutenance le 06/12/2021
• Etablissement(s) : Université Paris Cité
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Anthropologie et histoire des mondes antiques (Paris ; 2010-....)
• Jury : Président / Présidente : Françoise Van Haeperen
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Jean-Pierre Guilhembet, Stéphanie Wyler, Françoise Van Haeperen, Charles Guittard, Madalina Vârtejanu-Joubert, Daniele Miano
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Françoise Van Haeperen, Charles Guittard

Mots clés

Mots clés contrôlés

Rome -- 509-30 av. J.-C. (République)

Religion romaine

Culte impérial -- Rome

Felicitas (le mot latin)

Empereurs -- Rome

Légitimité (science politique)

Dieu -- Présence

Mots clés libres

Aléatoire

Faveur divine

Intervention divine

Légitimité

Exercice de l'autorité publique

Imperatores

Randomness

Divine support

Divine intervention

Legitimacy

Exertion of public authority

Imperatores

Résumé

Cette étude porte sur l'analyse de la signification et de l'utilisation de la felicitas durant la République, plus précisément de la fin du IIIe s. à 46 av. J. C. Elle a pour but de démontrer qu'au delà de la « chance », la felicitas désigne une réussite interprétée comme la marque d'un soutien divin de qualité supérieure, que c'est à partir de cette interprétation qu'a été construite cette signification et que c'est cette dernière qui détermine les formes de l'utilisation de la felicitas. À cet effet nous recourrons à un principe structurant tiré de l'œuvre de Philippe Descola (les schèmes conceptuels collectifs) qui permet de souligner les points d'articulation entre la perception d'un phénomène, son interprétation et le rôle que cette dernière prend dans des pratiques sociales. C'est sur ces trois étapes que sont construites les trois parties qui composent cette étude. La première est consacrée à la mise en évidence des particularités des phénomènes identifiés comme felices. Elle se compose d'un chapitre sur la présentation des sources (I) et d'un autre sur la place de la felicitas dans le champ lexical latin de la réussite (II) à partir d'un corpus de 2528 occurrences, issue de la littérature latine, réparties entre le IIIe s. av. J. C. et le IIIe s. apr. J. C. Ces études montrent que la felicitas est un résultat de grande qualité en décalage avec ses circonstances d'acquisition, inattendu, au sens de contraire à une ratio, et interprété comme le résultat d'une intervention divine dans les affaires humaines. La deuxième partie a pour objectif d'interroger les ressorts de cette interprétation. Elle comprend trois chapitres, centrés sur l'étude de la felicitas dans différentes pratiques religieuses républicaines, les auspices (III), les prodiges (IV) et le triomphe (V). Ces études montrent que la particularité de la felicitas repose sur le fait qu'elle identifie un soutien divin de qualité supérieure permettant à l'humain qui en bénéficie de voir les dieux intervenir directement, au lieu de simplement donner, au préalable, leur accord (auspices), pour garantir le succès de l'entreprise dirigée par l'individu felix. Cette interprétation repose sur le fait que les phénomènes identifiés comme felices possèdent les mêmes caractéristiques que ceux identifiés comme résultant d'interventions divines : les prodiges. La dernière partie analyse des utilisations individuelles de la felicitas entre 81 et 46 av. J. C. Elle se compose de quatre chapitres, chacun analysant le recours à la felicitas d'individus qui ont souhaité insister sur leur felicitas au point d'élever un lieu de culte à la puissance divine éponyme : Sylla (VI), Lucullus (VII), Pompée (VIII) et César (IX). Ils se composent chacun de deux études distinctes : celle des récits décrivant leurs exploits militaires ainsi que celle des lieux et moments du recours à la felicitas au cours de leur carrière politique. Car l'autre point commun de ces chefs de guerre est d'avoir, sous des formes différentes (dont des d'autobiographies politiques), publiquement diffusé des versions écrites du récit de leurs exploits militaires. Ces études font apparaître qu'à travers leur felicitas, ces imperatores cherchent à exalter la qualité de leur soutien divin dans le but d'exhausser leur légitimité à l'exercice de l'autorité publique. Les moments de ces recours à la felicitas correspondent en effet à des périodes d'affrontement politique où ces individus ont vu la poursuite de leurs objectifs politiques entravée par l'opposition d'une partie de l'élite politique républicaine. Leurs récits de guerre publiquement diffusés étaient des éléments essentiels de cette stratégie en tant que lieux privilégiés de la mise en scène de leur felicitas. Ils s'y présentaient comme des individus capables d'acquérir le type de résultats identifiés par la felicitas, donc des individus capables d'obtenir des dieux qu'ils usent de leur puissance pour garantir l'acquisition des meilleurs résultats.

This research focuses on the study of the meaning and the use of felicitas during the roman Republic, from the end of the IIIrd c. B. C. to 46 B. C. Its prime objective is to show that, beyond mere « luck », felicitas embodies a specific kind of success interpreted as the token of a divine support of superior quality, and that it is this interpretation that dertermines the patterns of the use of felicitas. To do so I use a structuring principle developped by Philippe Descola (the collective conceptual scheme) allowing to shed light on the junctures between the perception of a phenomenon, its interpretation, and finally the role it takes in social practices. These three steps strucutre my work in three parts. The first part highlights the specific traits of the phenomenons identified as felices. It is based on a survey of the sources (I) and a study of the role of felicitas in the latin lexical field of positive outcome (II) based on a corpus of 2528 occurrences found in the latin literature between the IIIrd c. B. C. and the IIIrd c. A. D. These studies show that felicitas is to be understood as a result which do not matches with its acquisition circumstances, unexpected, meaning that it is contrary to a ratio and therefore is interpreted as an outcome granted by a divine intervention. The second part aims at questionning the logic of the interpretation of felicitas. This objective will be achieved in three stages through the study of the role of felicitas in various republican religious pratices : the auspices (III), the prodigies (IV) and the triumph (V). These studies show that the disctinctiveness of felicitas lays on the fact that it represents a divine support of superior quality meaning that every undertaking conducted by someone who enjoys it will necessarily meet with success, whatever the circumstances may be, thanks to a god who, instead of only allowing beforehand the conduct of the undertaking (auspices), intervenes directly in it. This interpretation is based on the fact that the criteria of felices outcomes match the features of phenonemons identified as results of divine interventions : the prodigies. The last part test this claim by analyzing individual utilisations of felicitas between 81 and 46 B. C. It is formed of four chapters, each studying the use of felicitas by individuals whishing to advertise their felicitas to the point that they offered a sanctuary to the corresponding divinity : Sulla (VI), Lucullus (VII), Pompey (VIII) and Caesar (IX). Each chapter is composed of two different studies : the first one put under scrutiny the war narrative of these four imperatores and the second analyzes the various locations and moments of their use of felicitas during their political career. For these imperatores have also in common to have publicly disseminated written version of their wartime achievements (some of which are political autobiographies). These studies highlight the fact that through their felicitas, those imperatores whish to advertise the quality of their divine support in order to extol their legitimacy in exerting public authority. Thus, their various utilisations of felicitas correspond times of political struggle where these imperatores saw their political agenda hindered by the opposition of a part of the republican aristocracy. As an efficient tool of felicitas advertising, their war narratives were an important piece of this strategy. Those narratives allowed them to stage themselves as individuals able to obtain results matching the felicitas criteria and thus people able to obtain from the gods that the later use their power to insure the best possible outcome, whatever the circumstances may be.