La conspiration sous la République romaine : pratiques politiques, représentations et imaginaire social (509-44 av. a.C.)

Conspiracy in Roman Republic : political exercise, representation and social imaginary (509-44 a.C.)

• Auteur / Autrice : Romain Millot
• Direction : Jean-Pierre Guilhembet, Isabelle Cogitore
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Histoire et civilisations
• Date : Soutenance le 11/01/2021
• Etablissement(s) : Université Paris Cité
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Anthropologie et histoire des mondes antiques (Paris ; 2010-....)
• Jury : Président / Présidente : Sylvie Pittia
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Jean-Pierre Guilhembet, Isabelle Cogitore, Sylvie Pittia, Dominique Briquel, Cristina Rosillo López, Frédéric Hurlet
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Dominique Briquel, Cristina Rosillo López

Mots clés

Mots clés contrôlés

Histoire des mentalités

Historiographie

Politique et gouvernement -- Rome -- 509-30 av. J.-C.

Conspirationnisme

Rome -- 509-30 av. J.-C. (République)

Conspirations

Mots clés libres

Stéréotypes de la conspiration

Political history

History of the Roman Republic

Ancient historiography

Conspiracy

Plot

Conspiracy theory

Stereotypes

History of mentalities

Résumé

La notion large de « conspiration » renvoie à un phénomène pluriel, qui peut désigner, à Rome, une grande variété de crimes politiques tels que l'aspiration à la tyrannie, l'organisation d'un coup d'État, la planification d'assassinats de magistrats ou des ententes politiques conduisant à contourner les institutions. Ce travail doctoral propose d'étudier l'ensemble de ces événements sur la période qui s'étend de la première conjuration contre la République, celle des fils de Brutus dès 509, à la conspiration qui conduit à la mort de César aux ides de mars 44. Il s'agit d'abord d'identifier les acteurs et les principales étapes et ressorts des récits de conspiration, depuis la planification du projet jusqu'au châtiment des conspirateurs. À l'aide d'une mise en série de tous les épisodes de conspiration et d'un classement typologique, l'objectif de ce premier temps de la réflexion est de parvenir à distinguer d'une part les stéréotypes et reconstructions de ces récits et, d'autre part, les possibles noyaux de « vérité » historique relatifs aux pratiques conspiratives sous la République (chapitres 1 à 4). L'accusation de conspiration, qui permet de forger l'image d'un « Autre » situé hors de la cité, doit ensuite être interrogée. Il faut notamment discuter les modalités et finalités de son instrumentalisation, fréquente dans les affrontements politiques de la fin de la République. Cela revient d'abord à considérer les écrits centraux de Cicéron (notamment le discours sans cesse réadapté dirigé contre Catilina, ses partisans et ses successeurs) comme de César (qui utilise la dénonciation systématique de conjurations gauloises afin de justifier ses actions en Gaule), et ensuite d'identifier les traces d'oppositions politiques issues de rivalités gentilices, qu'il est possible de retrouver à la fois dans les récits annalistiques, dans quelques sources numismatiques, et dans la toponymie de Rome (chapitres 5 et 6). Enfin, cette étude s'efforce de relire l'histoire de la conspiration à Rome sur le temps long et interroge, une fois ôté le costume stéréotypé de la conspiration, et ses attraits littéraires dissipés, d'autres modèles d'interprétation révélateurs, à chaque époque, des problématiques politiques, militaires et sociales auxquelles la République dut faire face : la transition entre deux régimes (de la royauté à la République), les difficultés liées à l'intégration des peuples étrangers à la cité et à l'empire de Rome, la constitution progressive d'un pouvoir plébéien au sein de la cité, l'instabilité et les craintes suscitées par la proximité quotidienne des esclaves, enfin des enjeux de fonctionnement interne qui émergent, en situation de « crise », à la fin de la République, autour des questions relatives à l'exercice de la violence d'État (chapitre 7 et 8). Ainsi tout au long de son histoire, la République semble avoir redouté ce mode d'agir alors même qu'il constitue l'une des dynamiques inhérentes à la cité romaine.

The broad notion of "conspiracy" refers to a wide phenomenon that can designate, in Ancient Rome, a great variety of political crimes, such as the aspiration to tyranny, the organization of a coup, the planning of assassinations of magistrates, or political agreements leading to bypassing institutions. This doctoral thesis intends to study all these events on a period starting with the first conspiracy against the Republic, that of the sons of Brutus in 509, and finishing with the conspiracy that leads to Caesar's death at the Ides of March 44. The first step was to identify the mains actors, stages and reasons that shape the conspiracy narratives, from the idea of the project to the punishment of the conspirators. Built on a serial approach of all the conspiracy episodes and on their typological classification, this part of the reflection tries, on the one hand, to identify and discuss the stereotypes and reconstructions that transformed these stories, and, on the other hand, to determine the possible core of historical "truth" concerning conspiratorial practices under the Republic (chapters 1 to 4). The accusation of conspiracy, which helped draw the image of an 'Other' described as outside the world of the city, also had to be questioned. It seemed necessary, in particular, to discuss the modalities and purposes of the strategic uses of such an accusation, which was frequently observable in the political confrontations at the end of the Republic. This comes down to considering the central writings of Cicero (in particular the constantly readapted speech the orator directed against Catiline, his supporters and his successors) as of Caesar (who used the systematic denunciation of Gallic conjurations in order to justify his actions in Gaul), and then to identify the traces of political oppositions explainable by family rivalries, which are possible to find in the annalistic writings, in some numismatic sources, and in the urban landscape of Rome (chapters 5 and 6). This study eventually attempts to re-read the history of the conspiracy in Rome on the "longue durée" and questions, once the effects of the stereotypes on the conspiracy are discussed and its literary dimension kept under control, other models of interpretation. At each moment, that analysis reveals political, military and social issues the Republic had to face: the transition between two regimes (from royalty to the Republic), the difficulties linked to the integration of foreign peoples into the city and empire of Rome, the gradual constitution of plebeian powers within the City, the instability and fears aroused by the daily proximity of slaves, finally the internal functioning issues that emerge, in a situation of "crisis", at the end of the Republic, mostly around the exercise of a state violence (chapters 7 and 8). Throughout its history, the Republic thus seems to have feared the conspiratorial ways of intervention, even though it testifies to the political dynamics constitutive of the Roman city.