De l'étude des défauts génétiques innés de l’immunité de l’interféron de type I à leur phénocopie auto-immune
Auteur / Autrice : | Paul Bastard |
Direction : | Jean-Laurent Casanova |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Immunologie |
Date : | Soutenance le 07/10/2021 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Bio Sorbonne Paris Cité (Paris ; 2014-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut des Maladies Génétiques (Paris) |
Jury : | Président / Présidente : Guillaume Canaud |
Examinateurs / Examinatrices : Guillaume Canaud, Isabelle Meyts, Yanick J. Crow, Charles M. Rice, Shen-Ying Zhang, Nicolas Manel | |
Rapporteur / Rapporteuse : Isabelle Meyts, Yanick J. Crow |
Mots clés
Résumé
La variabilité clinique inter-individuelle au cours d'une infection virale est immense. Les interférons (IFNs) de type I sont des cytokines qui contribuent aussi bien à l'immunité innée qu'à l'immunité intrinsèque cellulaire contre les infections virales. Nous décrivons un enfant porteur d'une une large délétion génomique perte de fonction du dernier exon de IFNAR1 à l'état homozygote, décédé d'une encéphalite herpétique (HSE) à l'âge de 2 ans. L'HSE est donc une conséquence d'un défaut héréditaire complet en IFNAR1, démontrant que l'IFNalpha/beta sont essentiels pour l'immunité anti-HSV1 dans le système nerveux central. Nous rapportons aussi un patient de 13 ans ayant une réaction sévère à la suite de la vaccination contre la fièvre jaune, et un défaut homozygote récessif complet en IFNAR2. Nous avons également identifié 4 enfants dans 3 familles, originaires de Polynésienne de l'ouest, présentant tous le même variant homozygote perte de fonction dans IFNAR1, fréquent dans en dans cette région mais absent ailleurs. Par la suite, nous identifions que des défauts génétiques de l'immunité lié aux interférons de type 1, TLR3 et IRF7-dépendants, peuvent être la cause de formes sévères de pneumopathie à COVID-19. Des phénocopies auto-immunes de défauts génétiques de l'immunité ont été décrites pour l'interféron-gamma, l'IL-6 et l'IL-17A/F. Les patients avec des variants homozygotes pertes de fonction de AIRE, souffrent d'auto-immune polyendocrine syndrome type-1 (APS-1) et produisent de nombreux autoanticorps (auto-Ac), notamment des auto-Ac circulants anti-IFNs de type I. Nous avons rapporté que 19 de 22 patients APS-1 (86%) ont été hospitalisés pour une pneumopathie à COVID-19, notamment 15 (68%) en réanimation et quatre (18%) qui sont décédés. Nous décrivons également trois patients sans APS-1, mais avec des réactions sévères à la suite de la vaccination contre la fièvre jaune présentant des titres élevés d'auto-Ac dirigés contre au moins 14 des 17 IFNs de type I. Ces auto-Ac étaient neutralisants in vitro et bloquaient l'effet protecteur de l'IFN-a2 contre la souche du vaccin vivant de la fièvre jaune. Étonnamment, chez les patients avec des formes sévères de pneumopathie à COVID-19, nous avons rapporté qu'au moins 10% d'entre eux avaient des auto-Ac IgG neutralisants 10 ng/mL d'IFN-oméga (IFN-w), les 13 sous-types d'IFN-alpha (IFN-a), ou contre les deux au début de la maladie sévère ; et certains également contre les trois autres sous-types d'IFNs de type I. Ces auto-Ac neutralisent la capacité des IFNs de type I de bloquer l'infection à SARS-CoV-2 in vitro, et sont absents chez les individus avec des formes asymptomatiques ou modérées d'infection. Enfin, nous avons également détecté des auto-Ac neutralisants des doses 100 fois moindres, donc plus physiologiques, d'IFN-a2 et/ou d'IFN-w (100 pg/mL, 10% de plasma) chez au moins 15% des patients avec des formes sévères de pneumopathie à COVID-19, notamment chez 22% des patients de plus de 80 ans. Certains patients avaient des auto-Ac anti-IFN-beta seulement. Ces auto-Ac étaient détectés chez 21% des patients décédés de COVID-19. Enfin, dans un échantillon de 33,352 individus non infectés de la population générale, la prévalence des auto-Ac neutralisants les doses fortes d'IFNs de type I augmente de façon importante avec l'âge, ces auto-Ac étant présents chez 0.16% des individus entre 18 et 69 ans, 1% des individus entre 70 et 79 ans, et 2.9% des individus après 80 ans. La proportion d'individus porteurs d'auto-Ac neutralisants des concentrations d'IFN 100 fois plus faibles étaient encore plus élevée, chez 0.53% des individus entre 60 et 70 ans, 1.3% entre 70 et 80 ans, et 3.7% après 80 ans. Les auto-Ac neutralisant les IFNs de type I précèdent l'infection à SARS-CoV-2 et les autres infections virales, augmentent de façon importante après 70 ans, et expliquent au moins 20% des formes sévères de COVID-19 chez les individus de plus de 80 ans et 20% des formes fatales à tout âge.