Une préférence pour la douceur : récit(s) de la caresse à l'époque contemporaine (1980-2019) : histoire, esthétique et poétique en bande dessinée et en littérature : domaines français, anglais, allemand, italien et nord-américain

A preference for softness : story(s) of the caress in contemporary times (1980-2019) : history, aesthetics and poetics in comics and literature : French, English, German, Italian and North American domains

• Auteur / Autrice : Irène Le Roy Ladurie
• Direction : Henri Garric
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Littérature comparée
• Date : Soutenance le 10/12/2021
• Etablissement(s) : Bourgogne Franche-Comté
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Communication, Langues, Arts (Dijon ; Besançon ; 2017-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures (CPTC) (Dijon)
• Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université de Bourgogne (1970-2024)
• Jury : Président / Présidente : Denis Mellier
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Henri Garric, Laurent Demanze, Clotilde Thouret, Sophie Aymes, Jean-Philippe Pierron
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Laurent Demanze, Clotilde Thouret

Mots clés

Mots clés contrôlés

Érotisme

Désir

Toucher

Dans les bandes dessinées

Dans la littérature

Tendresse

Mots clés libres

Littérature contemporaine

Bande dessinée

Études sensorielles

Toucher

Caresse

Récit

Caress

Touch

Narrative

Contemporary novels

Comics

Sensory studies

Résumé

En 1977, sur le plateau d’Apostrophes, Roland Barthes sonnait le glas de la figure amoureuse, en déplorant sa « solitude » dans les grands systèmes de compréhension du monde. Depuis, la période contemporaine qui s’étend des années 1980 à nos jours ne cesse de voir apparaître des études sociologiques et anthropologiques qui déclarent la fin du sentiment amoureux, telle nous le connaissions. Il aurait changé de forme et n’apparaîtrait plus que sous un aspect minimal d’attachement réciproque. Fragilisé par la clôture de l’individualisme et l’ouverture des possibles amoureux, l’amour-passion n’exciterait plus. Partant, la représentation du désir amoureux et charnel, l’érotisme, sujet pourtant vendeur, aurait disparu au profit d’un sentiment « pornographique » diffus qui correspondrait davantage au régime contemporain de la disponibilité infinie des corps et des désirs. Celui-ci aurait infusé l’art du récit d’amour et du récit de soi, provocant un excès d’exhibition et la recherche d’une « transgressivité » (trash, obscénité) sans authentique transgression. Cette thèse prend acte du décloisonnement de la matière érotique hors des frontières du genre. Ce décloisonnement s’accompagne d’une mutation profonde de la transgression attachée à l’érotisme érotique, telle qu’elle fut conçue par Georges Bataille. La grande passion qui conduit à la fusion des âmes et des corps cède la place à des individus détachés, recherchant provisoirement les douceurs de la sexualité. La confrontation tragique des principes d’eros et thanatos ne dévoile plus les éclats noirs et sidérants de la jouissance. Il semblerait qu’un triste refroidissement lié à la banalité du sexe et de ses représentations ait frappé le désir et l’amour. Au contraire de constater un puissant désir d’érotisme, ses aspects « pornographiques » donneraient lieu à un rejet critique, par les discours féministes notamment. L’amour érotique devient le lieu d’un renouveau des discours politiques qui y traquent les pièges de la domination, de la fétichisation et de l’exclusion. Les luttes féministes et LGBT y prennent une grande part. Les discours sur l’amour réclament une nouvelle éthique des rapports amoureux et érotiques. L’érotisme serait devenu dans les récits une intensité faible, produit de la disponibilité et de la simplicité de son accès. Dévalué, il serait l’objet au mieux de réplétion, au pire de suspicion. Ni célestes, ni morbides, les plaisirs sensuels de l’amour se dissolvent dans des histoires dont l’action principale n’est pas nécessairement le jouir.Cette thèse prend le parti d’enquêter sur la présence, la ou les significations et enfin l’esthétique d’un de ces signes faibles d’amour, de sensualité et de tendresse : la caresse. Plus que jamais le geste de la caresse apparaît comme un angle d’étude de nouveaux discours sur l’amour et l’érotisme. Plaisir sensible purement gratuit, elle n’est pas nécessairement guidée par le désir de transgression ou la soif de dévoration. Geste chargé d’une signification éthique, elle apparaît comme une incarnation d’un amour réciproque de soi et de l’autre, un geste d’attachement sans fusion. En tant qu’attachement provisoire et fragile, elle fait signe vers une pensée du care, réitérant à chaque fois l’amour de l’autre et l’amour de soi : la caresse fait plaisir à donner, autant qu’elle en provoque. La caresse, comme signe faible du désir et du plaisir, apparaît comme porteuse des nouvelles conditions des récits érotiques : objet glissant, elle n’est pas assignable à un seul code générique ou à un seul type de narration ; objet métaphorique, elle se vêt de significations multiples et ne se fige pas dans une rhétorique fixe de l’amour. Elle impose un nouveau regard sur les récits de l’amour. L’étude se fonde sur un ensemble de narrations littéraires et graphiques, autobiographiques, autofictionnelles, érotiques et réalistes en allemand, en anglais, en français et en italien des années 1980 à 2019.

In 1977, on the TV-set of Apostrophes, Roland Barthes tolled the bells for the lover, regreting his ''solitude'' in the great systems of elucidation of the world. Since then, the contemporary period from the 1980s to the present day has seen the appearance of sociological and anthropological studies that described the end of love, at least as we knew it. It would have changed its form and would only appear under a minimal aspect of reciprocal attachment. Weakened by the closure of individualism and the opening up of the possibilities of modern love, passion would no longer excite. As a result, the arousing representation of amorous and carnal desire, eroticism, has disappeared in favor of a diffuse “pornographic” feeling. It would better match with the contemporary style of infinite opportunities of loves and pleasures. This would have instill the art of love story and memoirs, provoking an excess of exhibition and the search for a “transgressiveness” (trash, obscenities) without authentic transgression. This thesis takes note of the propagation of erotic material beyond the generic boundaries. This spread is goes with a profound mutation of the transgression attached to eroticism, as conceived by Georges Bataille. The great passion that leads to the fusion of souls and bodies gives way to detached individuals, temporarily attached to the sweetness of sexuality. The tragic confrontation of eros and thanatos no longer reveals the dark and staggering flashes of enjoyment. The triviality of sex and its representations has struck desire and love with a gloomy chill. Far from sparking off a powerful desire for eroticism, its “pornographic” aspects are giving rise to a critical rejection, notably by feminist discourses. Erotic love becomes the site of renewed political discourses that track down the traps of domination, fetishization and exclusion. Feminist and LGBT struggles play an important part in this. Discourses on love call for a new eth ic.Eroticism is said to have become a weak intensity in the narratives. Eroticism is said to have become a weak intensity in narratives. Devalued, it would be the object at best of repletion, at worst of suspicion. Neither heavenly nor morbid, the sensual pleasures of love dissolve in stories whose main action does not necessarily end in enjoyment.This dissertation investigates the presence, the meanings and finally the aesthetics of one of these weak signs of love, sensuality, and tenderness : the caress. More than ever, the gesture of the caress appears as an angle of study for new discourses on love and eroticism. Purely gratuitous sensitive pleasure, it is not necessarily guided by the desire for transgression or the thirst for devouring. A gesture full of ethical significance, it appears as an embodiment of a reciprocal love of self and other, a gesture of attachment without fusion. As a provisional and fragile attachment, it would be part of the “care” theory, repeating each time the love of the other and the love of oneself : the caress gives pleasure to give, as much as it provokes it. The caress, as a weak sign of desire and pleasure, appears as the bearer of new conditions for erotic narratives : as a sliding object, it cannot be assigned to a single generic code or a single type of narrative. As a metaphorical object, it takes on multiple meanings and is not fixed in a rigid rhetoric of love. It imposes a new look on the narratives of love. The study is based on a collection of literary and graphic, autobiographical, autofiction, erotic and realist narratives in German, English, French and Italian from the 1980s to 2019.