L'insécurité linguistique en français en milieu plurilingue (ile Maurice) : mobilité sociale et conflits de légitimités

Linguistic insecurity in French in a plurilingual context (Mauritius) : social mobility and conflicts of legitimacies

• Auteur / Autrice : Priscille Ahtoy
• Direction : Didier de Robillard, Arnaud Carpooran
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Lettres Linguistique
• Date : Soutenance le 22/11/2021
• Etablissement(s) : Tours
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Humanités et Langues (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : DYNAmiques et enjeux de la DIVersité linguistique et culturelle (Tours ; 2018-....)
• Jury : Président / Présidente : Fabienne Leconte
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Mylène Eyquem-Lebon
• Jury : Rapporteur / Rapporteuse : Annette Boudreau, Philippe Blanchet

Mots clés

Mots clés contrôlés

Francophonie

Langues en contact

Multilinguisme

Langue maternelle et langue seconde (enseignement des langues)

Variation linguistique

Français (langue)

Maurice

Diglossie

Mots clés libres

Diglossie

Didactique des langues

Variations linguistiques

Bi-Plurilinguisme

Francophonie

Contacts de langues

Diglossia

Language teaching and learning

Linguistic variations

Bi-Plurilingualism

French-Speaking territories

Language contact

Résumé

L'insécurité linguistique (désormais IL) est un terme en usage chez les sociolinguistes et didacticiens pour désigner une situation au cours de laquelle un locuteur peut ressentir un sentiment d'inconfort, voire de dévalorisation lors d'un échange verbal (ou à l'écrit) car il est assujetti à une norme linguistique correspondant à un usage dominant. Il a le sentiment de ne pas pouvoir, dans ses productions, être à la hauteur de cette exigence, portant un regard négatif sur lui-même, ce qui peut entraîner des conséquences graves (sentiment de déclassement social, problèmes professionnels…). Dans le contexte de la sociolinguistique francophone, cette notion remonte à l'ouvrage fondateur : Les Français devant la norme de Nicole Gueunier, Émile Genouvrier et Abdelhamid Khomsi, paru en 1978. Ce sentiment d'illégitimité (perçue/ressentie) dont est affecté le locuteur résulte d'un sentiment de dépossession linguistique ou d'appropriation partielle. C'est le cas pour les locuteurs en milieu bilingue ou plurilingue où le français participe significativement à leur construction identitaire et sociale en tant que langue maternelle. Néanmoins, ils craignent de ne pas être reconnus comme locuteurs légitimes de la langue. Notre choix d'étude de terrain s'est porté sur l'île Maurice, un de ces pays plurilingues où les deux langues véhiculaires, l'anglais et le français, s'entremêlent avec le kreol morisien, (ici orthographié selon la graphie officielle) dans une dynamique de contacts de langues, au point où les locuteurs eux-mêmes en viennent à entretenir un rapport ambivalent, voire conflictuel avec leurs langues. Ces locuteurs se construisent en effet dans plusieurs langues, dont l'une des langues maternelles, le kreol morisien, fait souvent figure de langue dominée et minorée par contraste avec le français et l'anglais. Très peu de travaux portent sur l'IL à l'île Maurice. Cette thèse en constitue la première étude exclusive. Un intérêt particulier de cette recherche par rapport aux travaux antérieurs réside dans l'examen de l'influence de Français expatriés présents à Maurice. En effet, cette présence invite à porter un regard renouvelé sur les dynamiques d'identification entre locuteurs mauriciens (francophones) et Français expatriés et plus particulièrement à en considérer les implications sur le plan sociolinguistique. Cette réflexion permet d'interroger la légitimité de la distinction récurrente entre natif et néo-locuteur. S'inscrivant dans une perspective qui interroge la construction et la représentation des identités linguistiques plurilingues, notamment francophones, cette thèse ambitionne de mieux comprendre la situation francophone en milieux plurilingues, les représentations véhiculées, les idéologies qui y sont associées, les causes, les conséquences et tentera d'imaginer des modalités d'intervention sur les causes de cette IL. Cette recherche a recueilli des observables pour mieux problématiser l'IL en contexte plurilingue francophone par le biais d'une approche empirico-réflexive, d'observations participantes, de récits biographiques langagiers, d'un corpus d'entretiens semi-directifs et de questionnaires ciblant divers informateurs d'âges, de communautés, d'ethnies, de catégories socio-professionnelles différentes. Les résultats de cette recherche doctorale permettront d'améliorer l'enseignement du français langue seconde dans des contextes divers. Enfin, cette réflexion portant sur la situation mauricienne peut être élargie aux différentes situations de contacts de langues et de plurilinguisme.

Linguistic insecurity is a term in use among some sociolinguists and researchers in language acquisition to designate a situation where a speaker might feel a sense of discomfort during a verbal exchange (or when writing) because he is bound by a linguistic norm corresponding to linguistic dominance. He feels that his linguistic production is not being able to meet the requirements of this norm, which risks leading to negative judgements about the speaker which carry serious social consequences (feeling of social downgrading, professional problems…In the context of the sociolinguistics of the French-speaking world, this notion goes back to a seminal work : Les Français devant la norme (Gueunier/Genouvrier/Khomsi, 1978). This sense of illegitimacy which the speaker is affected by results in a feeling of linguistic dispossession or partial appropriation. It is the case for speakers in bilingual or multilingual environments where French as a native language plays a significant role in the construction of their social identity. Nonetheless, they fear not being recognized as legitimate speakers of the language.Our choice of study focuses itself on Mauritius, one of these multilingual countries where two languages of communication, English and French, co-mingle with the national language (Mauritian Creole) in a dynamic of language contact, to the point where speakers themselves end up having an ambivalent, even conflicting, relationship with the languages they use. These speakers construct their identity through multiple languages, among which the native language, Mauritian Creole, appears as the dominated and minoritized language in contrast to English and French. Few scholarly works have studied linguistic insecurity in Mauritius. This thesis is the first scholarly work exclusively dedicated to it. À special interest of this work compared to previous works resides in the examination of the influence of French expats in Mauritius. Indeed, their presence calls for a fresh perspective on the dynamics of identification between French-speaking Mauritians and French expats, especially on its sociolinguistic implications. This reflection helps us to question the legitimacy of the recurrent distinction between native speaker and new speaker. When considered as part of an overall perspective of questioning the construction and representation of multilingual linguistic identities, especially French-speaking ones, this thesis aims to better understand the situation of French in multilingual contexts (the contexts given preference to here), the representations which are conveyed, the associated ideologies, the causes and consequences, and it will try to act on this linguistic insecurity.Through an empirical and reflexive approach, participant observation, language-related biographical accounts, a corpus of semi-structured interviews and questionnaires targeting informers of different ages, communities, ethnicities, socio-professional categories, we will try to collect observables to better problematize linguistic insecurity in multilingual French-speaking contexts.This doctoral project is engaged in research about linguistic insecurity in French-speaking areas. It will help to improve the teaching of French as a second language in contexts of cultural and linguistic diversity. Finally, this work hopes to lead to an interpretative frame which has for goal the implementation of proposals that can have a positive impact on this imposter syndrome and on society.