Thèse soutenue

Les analyses multivariées des enregistrements électrophysiologiques chez les nourrissons révèlent les codes initiaux utilisés par le cerveau humain pour représenter la parole, les tons et les nombres
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Auteur / Autrice : Giulia Gennari
Direction : Ghislaine Dehaene-Lambertz
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences cognitives
Date : Soutenance le 15/12/2021
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cerveau, cognition, comportement (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Neuroimagerie cognitive (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 2006-....)
Jury : Président / Présidente : Claire Sergent
Examinateurs / Examinatrices : Christian Bénar
Rapporteurs / Rapporteuses : Richard N. Aslin, Teodora Gliga

Résumé

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Une des énigmes intellectuelles non résolues est de comprendre les origines de la cognition humaine. Le travail présenté dans cette thèse est parti de l’intuition que définir les codes utilisés par le cerveau pour représenter le monde au début de la vie pourrait être une percée pour approcher cette question. Les recherches étudiant la perception chez les nourrissons ont utilisé jusqu’ici des protocoles indirects pour étudier les représentations cérébrales précoces, basés sur la détection de changement entre deux stimuli. Ici, nous nous sommes intéressés à l’encodage du stimulus lui-même grâce à des techniques d’analyses multivariées et nous avons caractérisé comment des nourrissons de 3 mois représentent la parole, la quantité numérique et la musique. Les analyses multivariées basées sur la détection de motifs spécifiques à travers de larges population neuronales permettent d’avoir un accès direct au contenu informationnel représenté par les cerveaux des nourrissons dans des conditions écologiques. Dans chaque étude, nous apportons des nouvelles perspectives afin de résoudre des débats de longue date. Tout d’abord, alors que de nombreux chercheurs ont rejeté la possibilité d’un traitement purement phonétique durant le premier semestre, nous documentons comment le cerveau humain décompose la parole selon des dimensions orthogonales minimales, correspondant aux traits phonétiques décrits par les linguistes. Deuxièmement, durant les dernières décennies, il y a eu un débat houleux sur les bases des compétences numériques initiales: certains auteurs proposaient en effet un système de magnitude général qui intégrait l’ensemble des variables quantitatives en une seule représentation globale. Inversement, nous avons montré que les cerveaux des bébés de 3 mois perçoivent le nombre (approximatif) d’une série de tons ou d’un groupe d’objets, séparément des variables corrélées non-numériques, et ce d’une manière complètement automatique. En particulier, nous avons démontré l’existence d’une représentation numérique amodale abstraite, permettant de généraliser le nombre à travers la modalité de présentation (auditive ou visuelle), le format (parallèle ou séquentiel) et l’état de veille. Troisièmement, nous avons étudié comment les jeunes nourrissons perçoivent les tons musicaux le long des deux dimensions psychologiques: la hauteur et le chroma (la qualité ou couleur du son). Alors que ce dernier paramètre est souvent considéré comme une composante de haut niveau secondaire à l’exposition à la musique occidentale, nous démontrons que la perception des hauteurs est linéaire mais aussi périodique (i.e. indépendante de l’octave) et donc que la hauteur nominale (chroma) correspond à un principe d’organisation fondamental de la perception auditive observable dès les premiers mois. Plus généralement, nous avons donc montré que la perception du nourrisson dans différents domaines est basée sur un système de codes, qui présentent trois avantages : ils réduisent la multi-dimentionalité des entrées sensorielles à un nombre d’axes réduit; ils permettent de capturer l’invariance au-delà des variations non pertinentes; ils représentent des aspects du monde qui sont importants et donc adaptatifs pour l’être humain. Étant donné ces avantages stratégiques, la flexibilité représentationnelle qu’ils permettent, et leur présence à un âge précoce, nous pensons que les codes neuraux pour les traits phonétiques, pour les nombres approximatifs et la hauteur nominale allient la robustesse et la simplicité nécessaires pour la construction de fonctions cognitives de plus haut niveau et servent donc de catalyseurs pour le développement cognitif humain.