Thèse soutenue

La frontière entre éveil et sommeil, une porte d’entrée vers la créativité

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Auteur / Autrice : Célia Lacaux
Direction : Delphine OudietteIsabelle Arnulf
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences cognitives
Date : Soutenance le 07/12/2021
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cerveau, cognition, comportement (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut du cerveau (Paris ; 2009-....)
Jury : Président / Présidente : Stéphanie Mazza
Examinateurs / Examinatrices : Mélanie Strauss, Raphaël Vallat, Emmanuelle Volle
Rapporteurs / Rapporteuses : Stéphanie Mazza, Joseph De Koninck

Mots clés

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Résumé

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Chaque nuit, nous empruntons un pont qui nous emmène du monde éveillé au monde du sommeil. De ce pont (symbolisant la phase d'endormissement), nous ne savons pas grand-chose, et pour cause. Sa traversée est furtive, et ne laisse que peu de souvenirs. De plus, les chercheurs du sommeil se sont désintéressés de cet état à la frontière entre éveil et sommeil, sans doute en raison de sa nature hybride et insaisissable. Pourtant, à y regarder de plus près, la phase d'endormissement apparaît comme une période riche et dynamique au cours de laquelle notre organisme subit d'importants changements. L'activité cérébrale ralentit, les muscles se détendent, et la réalité commence progressivement à se déformer, laissant alors place à des images oniriques qui se mettent à danser derrière les paupières. D'ailleurs, contrairement aux chercheurs, de nombreux scientifiques et artistes, parmi lesquels Thomas Edison et Salvador Dali, étaient fascinés par cette période en laquelle ils voyaient une réelle source d'inspiration. Ces derniers ont même imaginé une méthode pour capturer cet état intermédiaire et ses inspirations créatives avant qu'elles ne disparaissent dans les limbes du sommeil. Pour ce faire, ils réalisaient des siestes en tenant un objet dans leur main afin que ce dernier tombe bruyamment à l'endormissement, les réveillant ainsi à temps pour noter leurs idées/découvertes. Y a-t-il un semblant de vérité dans cette belle histoire ? Autrement dit, la phase d'endormissement est-elle propice à la créativité ? Cette question a constitué le fil conducteur de cette thèse. Notre hypothèse principale était que les états hybrides, à la frontière entre éveil et sommeil, favoriseraient la créativité. Nous avons testé cette hypothèse en examinant à la fois un état physiologique dans lequel le sommeil et l'éveil co-existent (la période d'endormissement, plus précisément le premier stade du sommeil, nommé N1), et un trouble du sommeil, la narcolepsie, dans lequel la frontière entre les deux états est encore plus fine qu'à l'accoutumée. Nous avons tout d'abord démontré l'existence d'une créativité plus élevée chez les patients narcoleptiques, suggérant un lien (indirect) entre un accès privilégié à la phase d'endormissement (causé par la somnolence diurne excessive des narcoleptiques) et le développement d'une créativité accrue au fil du temps. Par la suite, nous avons trouvé un lien direct entre le stade N1 et la créativité, puisqu'une seule minute de N1 suffisait à tripler la probabilité de découvrir un raccourci caché pour résoudre une tâche par rapport à une période d'éveil. De plus, cet effet bénéfique du stade N1 disparaissait lorsque les sujets atteignaient un sommeil plus profond (N2). Nous avons confirmé ces résultats par des analyses spectrales et découvert un ‘cocktail’ idéal pour la créativité (au-delà des stades de sommeil), composé d'un niveau intermédiaire d'alpha (un marqueur de la transition veille-sommeil) et d'un niveau faible de delta (qui signe la profondeur du sommeil). Nous avons ainsi révélé l'existence d'une zone propice à la créativité au sein de la période d'endormissement. L'atteindre nécessite de réussir à s'endormir aisément, mais pas trop profondément. Enfin, nous avons essayé d'étudier le lien théorique entre retraitement des souvenirs et créativité, en utilisant une nouvelle tâche conçue pour pouvoir évaluer ces deux fonctions cognitives au sein d'un même protocole expérimental. Malheureusement, la tâche créative s'est révélée être trop difficile (pas assez de solveurs) pour examiner le devenir de traces mnésiques suite à la résolution de problèmes. Néanmoins, nous avons constaté que les sujets qui avaient dormi uniquement en N1 présentaient un taux d'oubli de 10% des traces mnésiques préalablement encodées, alors que les sujets qui étaient passés en N2 montraient moins d'oubli. Étonnamment, ces deux dernières études mettent en lumière l'existence d'effets comportementaux distincts entre deux stades de sommeil [...]