Thèse soutenue

Le lys et le tournesol : art, morale et politique dans l'esthétisme de Wilde

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Auteur / Autrice : Alexandre Bies
Direction : Carole Talon-Hugon
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 15/01/2021
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés (Créteil ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Lettres, Idées, Savoirs (Créteil)
Jury : Président / Présidente : Ali Benmakhlouf
Examinateurs / Examinatrices : Carole Talon-Hugon, Laurent Jaffro, Pierre Longuenesse, Marianne Massin, Alexandre Gefen
Rapporteurs / Rapporteuses : Laurent Jaffro, Pierre Longuenesse

Mots clés

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Résumé

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Ce travail de recherche vise à établir le lien, en apparence paradoxal, entre une conception de l’art pour l’art qui défend l’indépendance absolue de la création artistique à l’égard de toute finalité extérieure et un art social que l’on trouve largement développé dans la valorisation des arts décoratifs, dans l’œuvre de Wilde. Ainsi, il s’agit de s’interroger sur le fait de savoir si l’art dans la perspective de Wilde, ne posséderait pas une dimension morale et politique, dont le but ne serait pas tant de véhiculer un contenu explicite que d’induire un rapport critique entre le sujet et la réalité. Il convient, en ce sens, de replacer une telle théorie dans un contexte précis, celui de la société victorienne dominée par une forme de puritanisme moral qui n’est pas sans conséquences sur l’appréhension des œuvres d’art. À travers un travail historique, il convient ainsi de situer Wilde au sein de l’esthétisme anglais, aussi bien dans le sillage de qu’en rupture avec l’école préraphaélite ainsi que John Ruskin, critique d’art dont il conteste, malgré son amour de la beauté, l’attachement à des critères moraux.Une fois établie cette doctrine de l’art pour l’art, nous nous intéressons aux rapports entre Wilde et la censure, et surtout la critique morale de la société victorienne. D’abord, Wilde affirme que le lecteur trouverait dans l’œuvre une part de lui-même, si bien que c’est son propre vice que l’œuvre révèle. Ensuite, il condamne la critique victorienne moralisante qui n’a pas la compétence nécessaire pour vraiment apprécier l’art, réservant ainsi la critique aux seuls praticiens de l’art eux-mêmes. Critiquant tout effet de l’art, Wilde distingue nettement la réalité de ce qui ne relève que de la fiction, et considère que l’art serait parfaitement stérile, ne pouvant ni pervertir le lecteur ni assumer une fonction d’édification. Ainsi, il faudrait reconnaître que seul un point de vue esthétique permet d’aborder convenablement l’œuvre d’art. Enfin, Wilde défend une esthétique du style, qui marginalise le contenu de l’œuvre au profit d’un travail essentiellement formel et dont le modèle se trouve dans les arts non-imitatifs. Soulignons le fait que cette conception de l’art pour l’art, qui se refuse à tout asservissement à une intention morale explicite, n’interdit pas que l’œuvre d’art puisse exercer une influence indirecte.Cependant, bien qu’il défende une conception autonomiste de l’art, Wilde lui-même reconnaît qu’on pourrait faire de son œuvre une lecture morale, et même conforme aux valeurs traditionnelles : le héros ayant vécu d’excès se trouve puni. D’autre part, l’hédonisme dont fait preuve le héros pourrait constituer, à l’inverse, une autre lecture morale qui consiste dans l’expérimentation de sensations nouvelles et le désir de s’épanouir pleinement. Dès lors, Wilde ne contesterait pas absolument l’appréciation morale, mais estimerait plutôt que la critique véritable est celle qui est capable d’embrasser tous les aspects d’une œuvre.Enfin, la question des arts décoratifs apparaît profondément politique en ce qu’elle relève d’un fonctionnalisme indirect qui, se concentrant sur la forme, entraînerait cependant des effets. Il vise, d’une part, à interroger la perception du spectateur, en même temps qu’il stimule et enrichit sa sensibilité, et porte ainsi notre attention sur l’influence morale que pourrait exercer sur l’individu un environnement esthétique. Et il participe, d’autre part, à redéfinir le travail de l’ouvrier aliéné selon le modèle du travail industriel pour restituer la noblesse du travail manuel selon l’idéal de l’artisanat. Ainsi, il convient de s’intéresser à la réflexion proprement politique que développe Wilde, en esquissant une organisation politique de type socialiste, qui réunit les conditions permettant l’épanouissement de chaque individu, au sein de ce que l’on pourrait nommer une société-artiste.