Thèse soutenue

Patrimonialisation et construction de la mémoire dans les sociétés postesclavagistes : le cas des habitations coloniales en Haïti

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Auteur / Autrice : Jerry Michel
Direction : Claire Lévy-VroelantLaënnec Hurbon
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 29/06/2021
Etablissement(s) : Paris 8 en cotutelle avec Université d'État d'Haïti
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire Architecture, ville, urbanisme, environnement (Nanterre, Hauts-de-Seine, France ; 2010-....)
Jury : Président / Présidente : Yankel Fijalkow
Examinateurs / Examinatrices : Alrich Nicolas, Maud Laëthier
Rapporteurs / Rapporteuses : Myriam Cottias, James Cameron Monroe

Mots clés

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Résumé

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Les habitations coloniales en Haïti, ces « extraordinaires conservatoires du patrimoine historique de l’économie de plantation du XVIIIe siècle » (De Cauna, 2003 ; 2013), se caractérisent par leur diversité, et par leurs transformations structurelles marquées par l’histoire complexe de cette société postcoloniale. Loin d’être de simples lieux de transition entre la période coloniale et la période postcoloniale, elles sont réappropriées ou négligées, patrimonialisées, instrumentalisées, médiatisées, objets de consensus mais aussi de conflits de mémoires. Les expériences politiques, patrimoniales, mémorielles, éducatives, sociales, culturelles et identitaires qui s’y produisent sont multiples. Progressivement patrimonialisés en lieux de mémoire potentiels ou vestiges coloniaux abandonnés, ces « sites d’Haïti à haute valeur culturelle, historique ou architecturale » (Ispan, 2014) sont devenus aujourd’hui des scènes nécessaires où se représentent les objets et les symboles de la mémoire de l’esclavage. Mais malgré la place importante que tiennent ces structures plantationnaires dans l’histoire de la traite et de l’esclavage colonial, elles ont fait l’objet de peu d’attention. Cela s’inscrit dans une histoire de négligence du patrimoine archéologique amérindien, puis colonial, de la part de l’État haïtien (Joseph, Camille, Joseph, Michel, 2020). Ma thèse propose alors une étude sociologique des habitations coloniales en Haïti, par l’approche des usages et des enjeux qui articulent le processus de mise en mémoire et de patrimonialisation de ces lieux de mémoire potentiels. Il s’agit de déterminer les fonctions, les utilisations et les symboliques de ces vestiges coloniaux dans l’organisation et la vie de la société haïtienne postcoloniale. De quelles façons et pour quels motifs, a-t-on recours aux habitations coloniales en Haïti ? Quel sens leur est attribué, par qui et pour qui ? Comment s’organisent leur processus de mise en mémoire et de patrimonialisation ou leur abandon pur et simple ?Cette étude repose sur un dépouillement minutieux des sources textuelles et cartographiques anciennes et sur un corpus représentatif de différents types et formes d’habitations coloniales, datées du XVIIIe siècle, situées dans la société haïtienne dans laquelle l’urbanité et la ruralité se mêlent et se questionnent, au-delà des formes de dualisme et des frontières géographiques prédéfinies. Suivant une approche diachronique et contextuelle, l’étude tient compte de plusieurs données historiques, ethnographiques et visuelles : les archives, l’observation, l’entretien informel et semi-directif, puis l’analyse de contenu et la photographie. L’analyse d’un corpus soigneusement sélectionné d’habitations coloniales contribue à l’examen des appropriations, des revendications et des conflits liés à la fabrique contemporaine des mémoires collectives et des patrimoines de l’esclavage. Enfin, le processus de reconnaissance collective et de mise en patrimoine qui entoure les habitations coloniales en Haïti fournit des informations sur les fonctions de ces espaces et sur les valeurs politiques, économiques, sociales, culturelles, identitaires conflictuelles qui s’y expriment. À travers le regroupement et l’analyse de ces données, ce sont les expériences de l’esclavage représentées dans la mémoire collective des sociétés postcoloniales qui se trouve au cœur de ma thèse. Cette dernière a permis de comprendre non seulement que ce sont des familles de l’élite économique et culturelle qui organisent majoritairement la mise en mémoire de l’esclavage dans les habitations coloniales patrimonialisées et mobilisées comme des vitrines de la culture en Haïti, mais aussi que les rapports sociaux racistes de domination esclavagistes sont masqués au profit d’un consensus sur l’héroïsation de l’histoire d’Haïti.