Une approche expérimentale de la connaissance fondée sur les experts par la théorie des jeux et l'économie expérimentale
Auteur / Autrice : | Philippe Colo |
Direction : | Jean-Marc Tallon, Stéphane Zuber |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Économie |
Date : | Soutenance le 08/07/2021 |
Etablissement(s) : | Paris 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale d'Économie (Paris ; 2004-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Paris-Jourdan Sciences Économiques (2005-....) |
Jury : | Président / Présidente : Frédéric Koessler |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Marc Tallon, Stéphane Zuber, Loïc Berger, Christian Kellner, Marco Ottaviani | |
Rapporteur / Rapporteuse : Loïc Berger, Christian Kellner |
Mots clés
Résumé
Cette thèse est constituée de trois essais indépendants, chacun portant sur un aspect théorique ou empirique relatif à la question des connaissances provenant d’experts. Dans le premier chapitre de cette thèse, j’étudie la transmission de connaissances scientifiques entre un expert et un décideur. Un modèle scientifique est formalisé par une distribution de probabilité sur un ensemble de scénarios possibles. L'expert est supposé connaître le modèle le plus probable parmi un ensemble possible et cherche à le communiquer au décideur. Toutefois, parce que ces modèles sont trop complexes, l'expert ne peut pas certifier cette information au décideur. Je montre que s’il y a une différence d’intérêt entre les deux partis, à l’équilibre, la transmission de l'information est toujours partielle. L'expert ne pourra jamais communiquer de manière crédible quel modèle est le plus probable. Toutefois, il pourra désigner un ensemble de modèles contenant celui-ci. La taille de cet ensemble, et donc le degré d’information qu’il pourra communiquer, dépend à la fois de la différence d’intérêt entre les partis mais aussi du consensus entre les modèles scientifiques. Si la science n’est pas suffisamment consensuelle, il y a une asymétrie dans la transmission de l'information. Si le modèle le plus probable est parmi les plus optimistes, la transmission d’information dépend uniquement de la différence d’intérêt entre les partis. Mais s’il est parmi les plus pessimistes, aucune transmission d’information n’est possible. Dans le second chapitre de cette thèse, mes co-auteurs et moi mesurons expérimentalement les croyances de sujets sur des événements dont ils sont plus ou moins familiers. Pour ce faire, nous proposons une méthode novatrice d’identification des croyances des sujets qui s’appuie sur l’utilisation d’intervalles de probabilités objectives. Pour chaque événement, notre approche nous permet d’éliciter des ensembles de distribution de probabilités majoritairement non dégénérés. De plus, plus les événements sont familiers, plus les intervalles élicités sont restreints. Ainsi, plus nos sujets se sentent experts sur une question, plus leurs croyances sont précises. Notre approche nous permet également d’estimer la manière dont ces sujets agissent en correspondance avec leurs croyances. Ce faisant, nous parvenons à la première estimation du coefficient de mixture alpha dans le modèle de décision alpha-maxmin EU de Hurwicz, en contrôlant par les croyances des sujets. Dans le troisième chapitre de cette thèse, je reprends l'hypothèse que la connaissance scientifique est trop complexe pour être certifiée à des non-experts. J’étudie les conséquences de celle-ci dans un cas appliqué : celui du changement climatique. Je modélise le problème de la sur-émission de gaz à effet de serre (GES) comme un jeu de contribution à un mal public. Dans ce jeu, tous les contributeurs gagnent individuellement à émettre, car les GES sont corrélés à la consommation de biens, mais tous les contributeurs souffrent du total des émissions car celles-ci sont responsables de dommages climatiques. A l’équilibre, le niveau d’émission est toujours trop élevé, car chaque contributeur ne tient pas compte des externalités négatives dont il est responsable. Les contributeurs ne sont pas des experts du climats, et leurs connaissances sur les dommages auxquels ils s’exposent s’appuient uniquement sur un expert. Ce dernier tient compte des externalités des contributeurs, et voudrait toujours un niveau d’émission plus bas que celui obtenu à l’équilibre par les contributeurs. Il y a donc toujours une différence d’intérêt entre l’expert et les non-experts. Dans ce chapitre, je prouve qu'aucune transmission d'information ne peut avoir lieu à l’équilibre. Ce résultat montre que la seule parole de l'expert, sans pouvoir de certification, ne suffit pas lorsqu’il s'agit de communiquer sur le risque climatique.