Une expérience de la désolation en pays liminaire : recherche action sur l'accompagnement individualisé auprès de bénéficiaires des minima sociaux dans le Nord Cotentin
Auteur / Autrice : | Thierry Leseney |
Direction : | Philippe Chanial |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie, démographie |
Date : | Soutenance le 29/06/2021 |
Etablissement(s) : | Normandie |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Homme, sociétés, risques, territoire (Rouen) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement de préparation : Université de Caen Normandie (1971-....) |
Laboratoire : Centre d'étude et de recherche sur les risques et les vulnérabilités (Caen ; 2004-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Ingrid Voléry |
Examinateurs / Examinatrices : Philippe Chanial, Ingrid Voléry, Hervé Marchal, Gérard Boittiaux, Sylvain Pasquier | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Ingrid Voléry, Hervé Marchal |
Résumé
Au cours des 30 dernières années, une population croissante de bénéficiaires des minima sociaux durablement éloignée du travail et isolée socialement s’est constituée comme réalité statistique. Sous la forme d’une pauvreté désolante, elle réapparaît lors de « crises » individuelles : trouble du voisinage, expulsions, incurie… Cet isolement des bénéficiaires a un retentissement sur leur pouvoir à mobiliser le lien social, et leur capacité à se maintenir dans leurs droits. Dans une approche relationnelle, ce travail questionne l’inclusivité de la seule « dignité humaine » en l’absence du « travail ». Il se développe à travers l’histoire de 24 personnes accompagnées par des dispositifs individualisés de l’assistance sociale sur le territoire de Cherbourg. Comment habiter le monde, un logement, sa vie, lorsque tout en étant reconnu par des droits sociaux, l’individu se trouve « désœuvré » de la « créativité ordinaire » ? Hors des échanges valorisés, il perd son « paraître » par défaut de « sembler » socialement, et se trouve menacé de « désolation ». Plus que jamais inclusive, l’Assistance Sociale Institutionnelle généralisée opère un basculement dans les années 2000. Devenant paradoxalement excluante, elle abandonne l’idéal d’insertion du travail pour la dignité humaine des droits concrets. Une sociabilité dite « liminaire » caractérisée par le retrait social s’y dessine au fil des « générations sociales ». L’individu enfermé hors de l’échange y développe des liens à faible réciprocité. Par un « processus d’interpénétration », cette sociabilité a infusé la dynamique des socialités secondaires et primaires, inversé les flux symboliques entre les deux espaces, et transformé les solidarités. Pour remobiliser le sujet désolé, l’accompagnant doit contourner son enfermement dans l’assistance, son sentiment de relégation et ses protections ; la relation ne s’y construit que par la reconstitution d’un « lien primarisé » dans des échanges sociaux réouverts à la réciprocité. Cette pratique réinterroge le travail social, de même que la dynamique sociétale dans son ensemble. Processus individuel d’enfermement dans une sociabilité désolante, la liminarité apparaît également comme une socialité propre au temps incertain de transition ; la socialité primaire comme secondaire tendrait à se désagréger dans une horizontalisation généralisée des liens sociaux, puis à se dissoudre dans l’espace social avant de se ré-agréger sous de nouvelles formes.