Thèse soutenue

Et si la dépression était un trouble de la (ré)évaluation de soi ? : intérêt du Response Shift dans l'analyse de l'effet des traitements sur l'évolution de la symptomatologie dépressive du point de vue des patients

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Auteur / Autrice : Samuel Bulteau
Direction : Véronique Sébille-RivainAnne Sauvaget-Oiry
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie, médecine et santé
Date : Soutenance le 01/06/2021
Etablissement(s) : Nantes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Biologie-Santé (Nantes)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : SPHERE (Nantes ; Tours)
Jury : Président / Présidente : Bruno Aouizerate
Examinateurs / Examinatrices : Dominique Drapier, Jérôme Brunelin
Rapporteurs / Rapporteuses : Raphaëlle Richieri, Bruno Falissard

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Mots clés libres

Résumé

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Les états dépressifs constituent un problème majeur de santé publique et un challenge thérapeutique. Pour optimiser et personnaliser les soins dans une optique de rémission complète et durable du point de vue du sujet, il est essentiel d’étudier la façon dont les patients eux-mêmes rapportent leur symptomatologie au cours du temps. La méthode la plus répandue consiste à répéter des évaluations par auto-questionnaires et analyser l’évolution des scores totaux au cours du temps. La pathologie dépressive étant une entité complex et hétérogène il est intéressant, au-delà de l’addition globale des items, de s’intéresser aux scores de dimensions reflétant des processus physio- et psychopathologiques différents. La façon dont le sujet côte les items de l’échelle peut varier, au-delà de l’effet propre et réellement ressenti du traitement, du fait d’un changement de perception de la symptomatologie qui peut se traduire lors de la cotation par le phénomène de response shift correspondant à des changements du cadre de référence (recalibration) et des priorités (repriorisation) du patient, ou dans la compréhension de ce à quoi se rapportent les items (reconceptualisation). Le response shift est susceptible de modifier l’interprétation des résultats dans un essai contrôlé comparant plusieurs modalités de traitement (sur ou sousestimation de l’effet intrinsèque du traitement dans un groupe par exemple) et ainsi constituer un biais de mesure. Ce phénomène peut dans certains cas être expliqué par des mécanismes d’adaptation psychique (reappraisal) à l’oeuvre dans la réappréciation au cours du temps des symptômes dépressifs qui incluent des altérations de la perception de soi. L’objectif de ce travail était d’essayer de détecter la présence de response shift au cours de la phase de traitement initial dans un essai contrôlé randomisé. Les données d’une étude (n=170) comparant venlafaxine et stimulation magnétique transcrânienne (rTMS) et utilisant la version courte de la BDI (BDI-13) ont été réanalysées. Premièrement, une analyse factorielle a montré dans cette population que cette échelle pouvait évaluer 3 dimensions : tristesse de l’humeur, référence à soi négative et altération des performances. Deuxièmement, les sujets ayant des antécédents de tentative de suicide ou de trouble de la personnalité ont des niveaux moyens sur la dimension de référence à soi négative plus élevés tout au long du traitement soulignant l’importance des processus de référence à soi dans le pronostic de la maladie. Enfin, le phénomène de response shift a pu être détecté dans le groupe antidépresseur seul grâce à la méthode dite de Oort, basée sur des modèles à équations structurelles (SEM), principalement sous la forme recalibration uniforme sur la dimension référence à soi négative : les sujets cotaient en moyenne plus sévèrement cette dimension à niveau de dépression globale équivalent au cours du temps. Une recalibration non-uniforme sur la dimension de tristesse de l’humeur a également été détectée : les réponses devenaient plus homogènes au cours du temps sur cette dimension. La mise en évidence de response shift confirme l’importance d’étudier ce phénomène dans les troubles de l’humeur. Les limites et perspectives méthodologiques sont discutées au regard des spécificités de la pathologie dépressive et de l’état actuel de l’évolution des techniques d’analyses. Au-delà de la détection, l’enjeu de la compréhension du response shift nécessite de recenser les variables susceptibles d’entrer dans les modèles théoriques explicatifs et pertinentes pour le design de futures études. Penser ces évolutions méthodologiques amène à repenser les mesures de la dépression en tenant compte des modifications de capacités de reappraisal (cognitif, émotionnel et dans la perception de soi) au cours du temps en cohérence avec les données les plus récentes des neurosciences. [...]