Thèse soutenue

Se nourrir en forêt tropicale saisonnière : stratégies de déplacement et corrélats cognitifs chez le Gorille de l'Ouest

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Auteur / Autrice : Benjamin Robira
Direction : Simon BenhamouShelly Masi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ecologie et Biodiversité
Date : Soutenance le 26/11/2021
Etablissement(s) : Montpellier
Ecole(s) doctorale(s) : GAIA (Montpellier ; École Doctorale ; 2015-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Marie Charpentier
Examinateurs / Examinatrices : Simon Benhamou, Shelly Masi, Marie Charpentier, Francesca Cagnacci, Erik Willems, Karline Janmaat
Rapporteurs / Rapporteuses : Francesca Cagnacci, Erik Willems

Résumé

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À l’ombre du feuillage dense de la forêt tropicale d’Afrique centrale, un gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla) passe presque le tiers de sa journée à manger. Chaque jour, il a besoin de plus de 5 000 kcal et parcourt plusieurs kilomètres pour trouver sa nourriture en quantité suffisante. De l’efficacité de sa recherche peut ainsi dépendre sa valeur sélective. Si la sélection naturelle a donc pu jouer sur les capacités facilitant la digestion et la perception des ressources, ou la locomotion, elle a aussi pu influencer la capacité de ce grand singe à traiter, mémoriser et réutiliser un savoir de long terme permettant de connaître quand et où se trouve quelle ressource. Cette thèse propose de mieux comprendre l’implication de la cognition dans la recherche de nourriture chez le gorille de l’Ouest, et plus largement chez les primates. Nous comblons d’abord un vide théorique et illustrons par jeu de simulations agent-centrées comment une mémoire temporelle permet d’améliorer l’efficacité de la recherche de nourriture dans un environnement variable mais prédictible, comme la forêt tropicale et saisonnière où vivent les gorilles de l'Ouest. Par suite, nous prenons appui sur un suivi de long terme de cinq groupes de gorilles de l’Ouest d’Afrique centrale, habitués à la présence humaine, ainsi que sur un inventaire botanique et phénologique de leurs ressources alimentaires afin de montrer l’existence d’une mémoire spatio-temporelle. Pour ce faire, nous nous concentrons sur deux comportements : la restriction du déplacement au sein d’un domaine vital et les choix alimentaires effectués. Par suite, nous mettons en exergue une partie des mécanismes cognitifs spatiaux sous-jacents aux déplacements en nous focalisant sur l’utilisation par les gorilles de marécages largement dispersés mais aux ressources uniques et essentielles, et celle d’un réseau de sentiers d’éléphants de forêt. Ces études soulignent l’existence d’une mémoire spatiale précise jusqu’à de larges échelles, avec un encodage topologique de l’information. Nous montrons ensuite comment le savoir spatio-temporel est utilisé et insensible aux variations des ressources par analyse des patrons de déplacement et de revisite aux sites d’alimentation. Pour finir, nous élargissons notre champ de vision à travers plusieurs études multi-espèces se dessinant autour (a) d’une approche expérimentale, afin de relier stratégie de recherche alimentaire, cognition et degré de frugivorie chez les primates; (b) d’une revue d’opinion proposant une méthodologie standardisée pour comparer la cognition liée au déplacement des primates en milieu sauvage; (c) d’une approche phylogénétique, afin de comprendre l’influence de la sympatrie entre primates frugivores sur l’histoire évolutive de leur cognition et leur diversification. Cette thèse contribue ainsi à lever le voile sur les mécanismes proximaux et ultimes façonnant les stratégies de recherche de nourriture et les capacités cognitives chez les primates.