Thèse soutenue

Pour une modélisation linguistique de la radicalisation : étude de discours institutionnels et de discours du travail social

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Auteur / Autrice : Manon Pengam
Direction : Agata Jackiewicz
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage
Date : Soutenance le 14/10/2021
Etablissement(s) : Montpellier 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (Montpellier ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Praxiling (Montpellier) - Praxiling (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Claire Oger
Examinateurs / Examinatrices : Pascal Marchand
Rapporteurs / Rapporteuses : Iris Eshkol, Mathieu Valette

Mots clés

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Résumé

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Le concept de radicalisation a été investi par les pouvoirs publics français au mitan des années 2010 à travers des plans d’action visant à détecter des cas potentiels ou avérés de radicalisation avant la commission d’actes terroristes d’inspiration djihadiste. Cette institutionnalisation de la lutte contre la radicalisation s’est appuyée sur les relais territoriaux de l’État et sur des politiques publiques existantes (Éducation Nationale, Aide sociale à l’enfance…). Dans ce travail je me suis intéressée aux associations de prévention spécialisée, un secteur au croisement du travail social et de l’Aide sociale à l’enfance, sollicité dans la détection de profils dits radicalisés en raison de sa présence sur des territoires classés prioritaires par les politiques de la ville.La thèse s’intéresse à la mise en discours du lexème radicalisation dans les discours institutionnels et politiques et dans les discours du travail social, selon une perspective sémantico-discursive.L’analyse utilise deux matériaux : 680 discours institutionnels produits par l’exécutif français entre 2013 et 2018 (contenant le lemme radicalisation), et dix entretiens semi-directifs menés dans le cadre d’une enquête auprès d’éducateurs de prévention spécialisée de la Région Occitanie. Ce corpus constitue une ressource inédite pour les linguistes, sociologues et politistes, mais aussi étudiants en carrières sociales et travailleurs sociaux désireux d’approfondir les programmes de sens et les usages de la notion de radicalisation.Sur le plan socio-discursif, l’étude contrastive de ces deux corpus permet d’observer la production d’une politique publique et sa réception au sein d’un secteur directement concerné. Sur le plan langagier, il s’agit d’élaborer et de formaliser une démarche d'analyse de la notion de radicalisation. La modélisation proposée repose sur l’étude approfondie des travaux en sociologie des mouvements sociaux qui cherchent à décrire les mécanismes propres aux trajectoires radicales. Trois grands constats émergent : (i) la radicalisation est une notion sociopolitique complexe dont le sens échappe à la stabilisation, (ii) la radicalisation est un concept intrinsèquement processuel, (iii) la radicalisation est une notion pluricausale et multidimensionnelle.Partant de ces constats, j’ai conçu un parcours d’analyse linguistique ad hoc qui intègre trois axes. Sur le premier axe, on retrace les manifestations de l’instabilité sémantique et discursive de la notion de radicalisation. Je m’interroge d’une part sur le sens en langue du mot radicalisation, et d’autre part à son statut discursif de nomination. De manière originale, on sonde à cet effet les facettes tant référentielles que langagières portées par la nomination. Le deuxième axe questionne les dynamiques du processus de radicalisation. L’analyse met l’accent sur les différentes étapes du processus, ainsi que sur les mécanismes de passage entre ces étapes, modélisés au moyen d’un schème d’inspiration topologique. Le troisième axe place la focale sur les représentations causales de la radicalisation. Je mets en lumière les facteurs causaux jugés déterminants par la parole institutionnelle et par les travailleurs sociaux pour expliquer l’entrée des individus, leur progression et leur maintien dans l’engagement radical.Plus largement, ce travail plaide pour une meilleure connaissance des méthodes linguistiques, insuffisamment mobilisées, et encore trop peu connues des autres sciences humaines et sociales. Il propose des outils qui permettent d'éclairer le sens et les usages des notions complexes et composites, grâce notamment à l'étude contextualisée de leurs profils sémantiques et des procédés discursifs qui les actualisent. Ce parcours interprétatif original peut être reproduit, en particulier pour les disciplines dont l'objet est de décrire et de modéliser, à partir de leur inscription discursive, des concepts liés à des sujets socialement sensibles.