La profession anthropoéquine : une identité marquée par une communauté socialisatrice de travail interspécifique
Auteur / Autrice : | Vanina Deneux |
Direction : | Jocelyne Porcher |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 11/06/2021 |
Etablissement(s) : | Montpellier 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Territoires, Temps, Sociétés et Développement (Montpellier ; 1991-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : INNOVATION - Innovation et développement dans l'agriculture et l'agro-alimentaire, Montpellier SupAgro - INNOVATION - Innovation et développement dans l'agriculture et l'agro-alimentaire, Montpellier SupAgro |
Jury : | Président / Présidente : Ronan Le Velly |
Examinateurs / Examinatrices : Isabelle Gernet, Charles Stépanoff, Etienne Verrier | |
Rapporteur / Rapporteuse : Marie-Anne Dujarier, Nadège Vezinat |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
La domestication est un processus plurimillénaire qui marque la volonté réciproque d’animaux et d’humains de construire et de partager un monde commun. Cette socialisation marque une communauté de destin qui se donne à voir par le produit du travail. Le travail est en effet ce qui tient le sens historique et la pérennité des relations de domestication. Les engagements mutuels entre humains et animaux sont fondés sur une rationalité relationnelle qui constitue l’essence même du travail, car travailler c’est produire, mais c’est aussi et surtout vivre ensemble et faire société. Aujourd’hui, les métiers mobilisant des humains et des chevaux sont confrontés à différents risques, externes et internes dont le plus saillant est la montée de l’idéologie animaliste qui vise à mettre un terme aux relations de travail entre humains et animaux. Du fait d’importantes dissensions internes, le secteur équin est actuellement incapable de faire face d’une seule voix aux critiques sociétales qui minent sa légitimité et questionnent la pérennité des relations de vie et de travail avec les chevaux. Pour comprendre et répondre à ces enjeux, la recherche doctorale présentée pose l’hypothèse qu’il existe une seule profession anthropoéquine dont l’identité est marquée par la capacité de deux espèces à former une entité duale de travailleurs qui construisent ainsi une communauté socialisatrice leur permettant de faire œuvre commune. Pour travailler cette hypothèse, des enquêtes ont été menées auprès de cent-huit professionnels provenant des grands domaines du secteur équin. Le corpus recueilli a été étudié à l’aide d’IRaMuTeQ, un logiciel d’analyse statistique des données textuelles. Le but était de mettre au jour et d’examiner les représentations des professionnels quant aux différentes modalités du travail du cheval et des relations de travail anthropoéquines. Les résultats montrent une prévalence de la passion pour les chevaux à l’origine de la conversion professionnelle. Les enquêtés décrivent un engagement subjectif des chevaux dans le travail et leur attribuent des qualités et des compétences professionnelles. Les résultats rendent compte d’une tension morale entre la rationalité primaire qu’est l’affection pour les chevaux et la rationalité secondaire liée aux contingences économiques. Enfin, les résultats présentent un partage réciproque entre humains et chevaux de la souffrance mais aussi du plaisir au travail. Ces résultats inscrit dans les cadres théoriques de la sociologie des relations de travail entre humains et animaux, de la psychodynamique du travail, de la sociologie clinique du travail et de la sociologie des groupes professionnels, mettent en évidence l’existence d’une profession anthropoéquine dont l’identité catégorielle est construite par une sociabilité interspécifique qui permet aux humains et aux chevaux de travailler ensemble. Cette recherche doctorale ouvre des perspectives disciplinaires dans la mesure où elle fait entrer les animaux dans différents champs des sciences humaines et sociales, mais également des perspectives pratiques en posant des bases réflexives qui invitent les segments professionnels à dépasser leurs dissensions internes pour établir un mandat commun à l’ensemble du secteur équin.