Le tourisme de ''résistance'' au Liban : entre tourisme mémoriel, emprises idéologiques et identités communautaires : Le cas du site de Mleeta au Sud du Liban
Auteur / Autrice : | Racha Royer |
Direction : | Dominique Chevalier, Ghada Salem |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géographie, Aménagement, Urbanisme |
Date : | Soutenance le 16/12/2021 |
Etablissement(s) : | Lyon |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences sociales (Lyon ; 2007-....) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....) |
Laboratoire : Environnement Ville Société / EVS | |
Jury : | Président / Présidente : Isabelle Lefort |
Examinateurs / Examinatrices : Vincent Veschambre, Sepideh Parsapajouh | |
Rapporteur / Rapporteuse : Edith Fagnoni, Philippe Bachimon |
Résumé
Depuis son Indépendance, le Liban a été secoué par plusieurs évènements traumatisants. La guerre civile, en particulier, représente un tournant dans l’histoire politique, sociale et économique de ce pays longtemps promu comme étant la « Suisse de l’Orient ». L’image de la « mosaïque sociale » invoquée pour désigner la coexistence des communautés confessionnelles sur le territoire libanais n’est plus pertinente. Celles-ci se sont, à des degrés divers, politisées et impliquées dans des rapports de force géopolitiques. Par conséquent, le pouvoir de l’État libanais s’efface au profit du pouvoir communautaire. Dans leur course au pouvoir, ces communautés s’approprient des espaces, fabriquent des lieux et affichent des identités clairement différentes de l’identité nationale libanaise. Ce qui met en question la mémoire collective au Liban et ses composantes identitaires, mais soulève également des interrogations sur la manière dont la mémoire communautaire se trouve construite et véhiculée par des acteurs extérieurs au Liban. Le rôle capital du tourisme dans la diffusion des identités culturelles est-il toujours aussi décisif lorsqu’il s’agit des idéologies ? Quelle(s) forme(s) le tourisme sollicité par les idéologies politico-religieuses prend-il ? Cette thèse étudie le phénomène du tourisme qualifié « de résistance » par ses promoteurs. Mis en place par le Hezbollah, un parti communautaire chiite à allégeance iranienne, ce type de tourisme est mobilisé à plusieurs échelles pour différentes raisons. Au niveau local, l’objectif est de dynamiser l’économie du Sud du Liban, région qui a connu des conflits armés entre le Hezbollah et Israël, et donc de recruter des adeptes parmi la communauté chiite majoritaire dans cette région. À l’échelle nationale, le Hezbollah cherche à s’imposer sur l’échiquier politique et à consolider la position de la communauté chiite comme acteur puissant sur la scène libanaise. Sur le plan international, ce tourisme est un moyen pour le Hezbollah de légitimer son existence et d’exposer au monde ses accomplissements qu’il considère comme glorieux.Notre recherche étudie le cas de Mleeta, site instauré par le Hezbollah pour commémorer sa « victoire » lors de sa guerre avec Israël en 2006. Ce site cache des enjeux multidimensionnels. En effet, organisation idéologique depuis ses débuts, le Hezbollah cherche à accomplir « son projet » au Liban et, à cet égard, s’investit dans des dimensions sociales et culturelles qui restent au service de la cause armée. Le tourisme « de résistance » est une des voies de réalisation de ce projet.Nous avons dans un premier temps étudié les mutations de la communauté chiite au Liban en montrant comment elle est passée d’un statut de communauté marginalisée à celui de communauté puissante, en évoquant le rôle-clé du Hezbollah dans ce processus. Ensuite, à travers une analyse de la mise en mémoire du site de Mleeta, considéré comme genèse de l’activité touristique du parti, nous montrons comment ce lieu est devenu un outil de consolidation identitaire, de diffusion d’images favorables au Hezbollah et à sa politique, ainsi qu’un catalyseur de rapport de domination, d’enjeux de propagande, et de logiques d’acteurs.La survenue de la crise économique, sociale et politique qui a débuté en octobre 2019, et l’irruption de la pandémie liée au Covid19 (depuis mars 2020) se sont invitées dans notre recherche. Dans leur sillage, une inflation d’une ampleur « jamais vue » au Liban, un taux de pauvreté dépassant les 50%, sans compter les effets des politiques sanitaires qui ont drastiquement réduit les flux touristiques et ébranlé l’économie mondiale, nous ont contraint de redéfinir nos hypothèses de départ. Mleeta restera-t-il « le musée de la résistance » symbolisant la victoire et le martyr ou bien deviendra-t-il un banal espace récréatif et moderne ? Nous terminons dès lors par évoquer plusieurs scénarios possibles d’évolution du lieu.