Le sport embrigadé ? : Les sociétés de préparation militaire en France : des loisirs militarisés (années 1880 - années 1930).
Auteur / Autrice : | Lionel Pabion |
Direction : | Édouard Lynch |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Soutenance le 12/11/2021 |
Etablissement(s) : | Lyon |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences sociales (Lyon ; 2007-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Laboratoire d'études rurales (Lyon) |
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....) | |
Laboratoire : Laboratoire d'études rurales | |
Jury : | Président / Présidente : Anne Rasmussen |
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Chovaux, Emmanuel Saint-Fuscien | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Patrick Clastres, Daphné Bolz |
Mots clés
Résumé
Si le sport reste une pratique peu diffusée dans la France de 1914, les sociétés de gymnastique, de tir et de préparation militaire y sont au contraire très nombreuses. Elles visent essentiellement à former des jeunes hommes en bonne santé, en amont de leur service militaire, pour en faire de bons soldats. Il s’agit aussi de leur proposer des loisirs « sains ». Ces structures républicaines d’encadrement du temps libre entre l’école et l’armée permettent aussi de concurrencer les catholiques, qui développent leur propre réseau de patronages. Plus de 6000 associations sont ainsi agréées par le gouvernement à la veille de la Première Guerre mondiale. Les sociétés « conscriptives », selon l’expression de Pierre Arnaud, ne disparaissent pas dans l’entre-deux-guerres, malgré l’essor du sport et du pacifisme. Au moins 3000 associations pratiquent encore la préparation militaire à la fin des années 1930.Cette thèse vise donc à prolonger une historiographie déjà riche, en proposant une étude au niveau national, sur toute la période de la Troisième République. L’Union des sociétés de préparation militaire de France, dirigée par Adophe Chéron, a fait l’objet d’une attention particulière. La politique de préparation militaire mise en œuvre laisse voir comment l’institutionnalisation croissante des pratiques conscriptives a largement influencé les premières politiques sportives. L’observation au plus près de la réalité locale des sociétés, notamment grâce à l’étude de sources associatives, fait apparaître la porosité entre les pratiques conscriptives et sportives jusque dans les années 1930. Cette étude menée dans plusieurs départements éclaire ainsi d’un jour nouveau l’histoire des activités physiques et sportives de la France de l’entre-deux-guerres. Enfin, une ébauche de comparatisme au niveau européen permet de replacer cette dynamique française dans une perspective plus large.L’étude de ces associations permet également, par un pas de côté chronologique, d’apporter une contribution à l’histoire de la Première Guerre mondiale. Leur développement, même s’il est limité numériquement, révèle une large militarisation de la société, jusque dans les loisirs juvéniles. 50 000 jeunes hommes reçoivent en effet le « brevet de préparation militaire », mis en place en 1908. Ainsi, des éléments d’une culture militaire sont diffusés, à la fois sur le plan idéologique et sur le plan pratique, avec par exemple l’essor de l’entrainement au tir. Cette culture militaire, construite durant plusieurs décennies, peut fonctionner comme un répertoire pour l’émergence des cultures de guerre, dès la mobilisation de 1914. Dans le même temps, les effectifs malgré tout assez réduits du mouvement préparatiste permettent de relativiser cette idée de militarisation, en soulignant les résistances à ces tentatives d’encadrement. Les pratiques conscriptives se révèlent alors beaucoup plus ambigües que ce qui pourrait apparaître au premier abord.Plus globalement, les sociétés de préparation militaire sont aussi une manifestation de l’essor de l’associationnisme à la fin du XIXe siècle, en particulier dans les campagnes. La sociologie de ces groupes fait apparaître la volonté des classes moyennes et supérieures d’encadrer les loisirs de jeunes hommes des classes populaires salariées. Les instituteurs sont des acteurs essentiels de la diffusion de cette forme associative. Ainsi, au-delà de leur aspect militaire, ces associations sont fondamentalement des espaces de sociabilités réinventées. On peut y lire une tentative de contrôle social, en s’appuyant notamment sur les travaux de Michel Foucault. Néanmoins, cette technologie de pouvoir révèle ses limites : les gymnastes paraissent indisciplinés, indociles, et la tentative d’encadrer leurs loisirs se solde globalement par un échec.