Thèse soutenue

Les Quichottes de Cervantès et d'Avellaneda face au miroir : l'écriture du double au seuil du fantastique

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Auteur / Autrice : Aude Plozner
Direction : Philippe MeunierLuis Gómez Canseco
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langues et littératures étrangères
Date : Soutenance le 17/09/2021
Etablissement(s) : Lyon en cotutelle avec Universidad de Huelva (Espagne)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Institut d'Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (Lyon ; 2016-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Jury : Président / Présidente : Marina Mestre Zaragozà
Examinateurs / Examinatrices : Pedro Ruiz Pérez, Anne Cayuela
Rapporteurs / Rapporteuses : David Alvarez Roblin

Résumé

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Dans le cadre de cette thèse, nous avons choisi de prendre quelque peu nos distances vis-à-vis des lectures traditionnelles du Quichotte de Cervantès, en tentant, pour autant, ne pas les perdre de vue. Nous avons tenté de compléter la réception comique du livre par une lecture contemporaine de l’oeuvre, propre au XXe et XXIe siècles, en nous centrant sur ses aspects les plus étranges. Notre réflexion part de l’étude de la Première partie cervantine et de l’influence du Segundo Tomo d’Avellaneda sur le livre de 1615, et nous a amenée à appréhender « les trois Quichottes » comme s’ils formaient un triptyque spéculaire. Cette double insertion a permis à Cervantès d’améliorer son propre livre et de révéler la continuation dans le but de la discréditer, de la sanctionner et de s’en distancier. Informé de sa publication, don Quichotte s’observe dans un miroir dans lequel il ne se reconnaît pas et tente de lutter contre son double usurpateur pour réaffirmer son identité. Dans ce sillage, nous avons analysé les mécanismes de rejet et d’identification avec ses doubles homonymes, sans oublier l’« autre » don Quichotte supposément vaincu par le Chevalier aux Miroirs. Dulcinée a également fait l’objet d’une attention particulière puisque celle-ci apparaît en plusieurs configurations qui font d’elle une charnière essentielle aux trois Quichottes.À partir de là, nous avons décidé de poursuivre notre étude autour du chevalier en nous centrant spécifiquement sur les personnages qu’il rencontre et qui peuvent lui être apparentés : Marcela, Cardenio, Sansón Carrasco, don Diego de Miranda, le double de papier avellanédien et Roque Guinart. Après avoir observé les épisodes correspondants, nous avons constaté que l’ensemble de ses doubles peut être envisagé tel un véritable « phénomène » codifié par des constantes littéraires, et que tous constituent des entités assez inquiétantes. En d’autres termes, ils partagent des traits avec le double fantastique postérieur. Pour confirmer cette propension du motif du double, il nous a semblé nécessaire d’enrichir notre travail en considérant les personnages secondaires. Grâce à une classification méthodique des nombreux doubles relevés et à un examen de chacune de ses modalités, nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’éléments indiquaient une certaine disposition de l’écrivain à la future écriture fantastique.En examinant les travaux portant sur le futur genre fantastique et sa relation avec le Quichotte, nous avons constaté que les chercheurs se centrent avant tout sur l’épisode la Cueva de Montesinos et nous avons alors compris que le potentiel fantastique du roman cervantin avait été sous-estimé. Pour cette raison, ce dernier a été examiné de façon plus large et sous différents points de vue (discursif, thématique et sémantique) et les extraits étudiés ont montré que les épisodes comiques pouvaient aussi avoir une part de « fantasticité ». Pour terminer, nous avons changé de perspective pour appuyer nos lectures et avons inscrit le triptyque spéculaire et sa fantasticité au sein de l’histoire littéraire européenne. L’objectif a été d’éclairer la réception des Quichottes pour déterminer si les traducteurs et adaptateurs européens (plus spécifiquement anglais, français et allemands) ont su comprendre et transposer l’étrangeté qui émane d’eux. Nous avons choisi les extraits du roman cervantin pour lesquels nous supposions qu’ils viendraient confirmer nos résultats, et avons comparé, à partir d’une sélection terminologique, les premières traductions avec celles parues à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, période qui correspond précisément à la naissance du roman gothique anglais et de la littérature fantastique en Allemagne, ainsi que son expansion en Europe. Tout un ensemble d’indices nous a permis de conclure que la continuation apocryphe acquérait de plus en plus d’importance dans les réflexions de l’époque, et, le Quichotte cervantin, une coloration de plus en plus inquiétante.