Thèse soutenue

Micromécanique de la rupture des gels
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Auteur / Autrice : Akash Singh
Direction : Loïc VanelMathieu Leocmach
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Physique
Date : Soutenance le 08/12/2021
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de Physique et Astrophysique de Lyon (1991-....)
Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur d'inscription : Université Claude Bernard (Lyon ; 1971-....)
Laboratoire : Institut Lumière Matière
Jury : Président / Présidente : Roberto Cerbino
Examinateurs / Examinatrices : Loïc Vanel, Mathieu Leocmach, Emanuela Del Gado, Jean Colombani, Marie-Hélène Famelart
Rapporteurs / Rapporteuses : Roberto Cerbino, Emanuela Del Gado

Résumé

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La physique de la fracture est omniprésente dans notre vie quotidienne, qu'il s'agisse de la facilité avec laquelle on peut ouvrir un œuf une fois fêlé ou de la lente agonie d'un câble de chargeur. Il y a exactement un siècle, A. A. Griffith a lié la taille du défaut critique dans un matériau fragile à la contrainte critique requise pour la rupture. La présence de défauts microscopiques explique pourquoi un matériau “intact" rompt à des contraintes inférieures de plusieurs ordres de grandeur à la contrainte prédite par la rupture des liaisons atomiques. Malgré les progrès réalisés dans le domaine de la mécanique de la rupture depuis Griffith, nous n'avons toujours pas une compréhension complète de pourquoi, quand et où la rupture se produira. C’est dû au caractère multi-échelle de la rupture. La fracture du bois massif en est un exemple : des molécules, aux cellules, à l'anneau de croissance jusqu’à la branche. Il est essentiel de comprendre la connexion entre ces différentes échelles pour appréhender leur réponse spatio-temporelle complexe et non linéaire. Ainsi, zoomer à l'échelle du précurseur ou de l'unité structurelle du matériau d'où provient la fracture conduit à des modèles fiables pour une meilleure ingénierie de chaque matériau. Dans les cristaux, le précurseur structurel est une compétition entre mouvement des dislocations et plasticité dans les joints de grain. Ce modèle ne s’applique pas dans les systèmes amorphes. De plus, les solides structurellement hétérogène apportent encore un autre niveau de difficulté dans l'identification des précurseurs. Dans ma thèse, j'ai étudié la rupture des gels, qui sont des solides constitués de deux phases entrelacées : un réseau solide et un milieu liquide. Dans les gels, le couplage complexe de la viscoélasticité et de la plasticité rend difficile la compréhension des raisons de la rupture, car la plupart des modèles théoriques sont basés sur la compréhension de systèmes élasto-plastiques. L'importance des gels, de la consistance du yaourt à l'utilisation des gels comme matériau biomimétique, nécessite de mieux comprendre leurs précurseurs de fracture. Dans ce travail, nous essayons de trouver les précurseurs de fracture dans les gels en combinant rhéologie et observation 3D par microscopie confocale. Nous devons donc utiliser un gel de microstructure plus grande que la résolution optique, ce qui implique un matériau très mou et donc des contraintes faibles qui sont difficiles à appliquer de manière contrôlée. Ainsi, nous avons développé un dispositif basé sur un cantilever permettant d’étudier la réponse rhéologique de solides très mous sous contrainte ou déformation constante. Sa sensibilité de 6 mPa en contrainte permet de contrôler précisément la contrainte ou la déformation dans les directions normale et de cisaillement. Le système de gel avec lequel nous travaillons est le caséinate de sodium, un gel de protéines dont la microstructure est de l'ordre de 10 µm. Nous décrivons la physico-chimie, le transport de masse et la rhéologie de notre système afin de développer une technique rapide de gélification in-situ. Ensuite, nous réalisons des expériences de déformation et de contrainte contrôlées avec ce système jusqu'à la rupture. Dans le cas de marches de déformation incrémentale, la visualisation microscopique directe combinée à la corrélation d’images 2D détecte l'existence d'une couche de cisaillement maximale comme étant le précurseur de la rupture. En fluage, la vue stroboscopique 3D permet d'observer des ruptures de brins éparses. Nous développons une analyse basée sur l'estimation des petits déplacements pour détecter ces événements et observer leur profil spatio-temporel. Nous observons que les ruptures de brin se produisent bien avant la rupture catastrophique, et nous sommes capables de détecter leur nucléation qui conduit à la rupture. La composante principale du cisaillement présente des corrélations de type Eshelby, c’est-à-dire un couplage élastique.