Thèse soutenue

Les ressources fonctionnelles communes entre utilisation d’outil et langage : de nouveaux horizons vers un impact réciproque

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Auteur / Autrice : Simon Thibault
Direction : Claudio BrozzoliAlice Catherine Roy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance le 26/10/2021
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo) (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (Bron ; Saint-Priest-en-Jarez ; 2011-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Claude Bernard (Lyon ; 1971-....)
Jury : Président / Présidente : Aymeric Guillot
Examinateurs / Examinatrices : Claudio Brozzoli, Alice Catherine Roy, Laurel Buxbaum, Michael Ullman, Anna M. Borghi, Véronique Boulenger, Atsushi Iriki
Rapporteur / Rapporteuse : Laurel Buxbaum, Michael Ullman

Résumé

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L’utilisation d’outil est le produit de l’évolution humaine. En plus de sa composante sensorimotrice, dont la complexité est désormais bien caractérisée, l’habileté à utiliser un outil impacte la cognition. En effet, l’utilisation d’outil requiert d’intégrer un objet externe comme une partie corporelle, tout en incluant sa structure fonctionnelle dans le programme moteur. D’autre part, il a été proposé que les aires cérébrales impliquées dans le langage aient exploité les ressources neuronales dédiées à l’outil. Ainsi, les chercheurs ont avancé l’hypothèse de similarités entre les processus sous-tendant l’utilisation d’outil d’une part et le langage de l’autre, en plus des similarités entre action et langage auparavant suggérées par les modèles de la cognition incarnée. Ainsi, cette thèse vise à caractériser les ressources neuronales partagées et les liens comportementaux réciproques entre l’utilisation d’outil et le langage. Dans une première étude, nous avons utilisé la neuroimagerie fonctionnelle pour tester l’existence de ressources neuronales partagées entre l’utilisation d’outil et deux fonctions langagières : la phonologie et la sémantique. Pour la phonologie, les participant.e.s devaient réaliser une tâche d’identification phonologique, tandis que pour la sémantique, une tâche d’amorçage sémantique avec décision lexicale était réalisée. Bien que l’utilisation d’outil et la phonologie recrutent des régions corticales contigües du lobule pariétal inférieur, aucune preuve n’a été trouvée en faveur de ressources neuronales partagées entre ces deux fonctions. Des analyses multivariées ont en revanche montré que l’activité neuronale induite par la sémantique est décodée au sein du réseau neuronal de l’utilisation d’outil et plus particulièrement dans le gyrus frontal inférieur gauche et le cortex occipitotemporal gauche. Dans une seconde étude, nous avons testé l’existence de ressources partagées pour l’utilisation d’outil et la fonction syntaxique. Les participant·e·s devaient réaliser une tâche de compréhension syntaxique impliquant des phrases relatives de complexité différente. Les résultats ont montré que l’utilisation d’outil et la syntaxe complexe (i.e. relatives objet) induisaient une activité neuronale anatomiquement co-localisée au sein des ganglions de la base. De plus, des analyses multivariées ont révélé une distribution spatiale similaire pour les patterns neuronaux induits par l’utilisation d’outil et le traitement des relatives objet. En conséquence, le partage de ces ressources neurofonctionnelles se reflète au niveau comportemental par un transfert d’apprentissage entre les deux domaines : l’entrainement à l’utilisation d’outil améliore la performance linguistique pour la syntaxe complexe et réciproquement, l’entrainement à la syntaxe complexe améliore la performance motrice avec l’outil. Aucun transfert d’apprentissage n’a été observé pour les habilités syntaxiques après un entrainement équivalent mais sans outil, ou bien pour l’utilisation d’outil après entrainement avec des structures syntaxiques plus simples (i.e. relatives sujet). Nos résultats démontrent l’existence de ressources partagées entre utilisation d’outil et langage et indiquent l’existence d’une fonction syntaxique supramodale dédiée aux domaines moteur et langagier. Plus généralement, nos travaux ouvrent des perspectives quant à la mise en place des protocoles d’apprentissage ou de réhabilitation interdomaine tirant profit du transfert d’apprentissage. Nos résultats confortent enfin l’hypothèse d’une coévolution entre l’habileté à utiliser un outil et le langage, ayant favorisé le partage de ressources neuronales communes pour ces deux habiletés.