Littérature incarnée : les bénéfices de la lecture de fiction littéraire pour le cerveau et les comportements
| Auteur / Autrice : | Zoé Cayol |
| Direction : | Tatjana Nazir |
| Type : | Thèse de doctorat |
| Discipline(s) : | Neurosciences cognitives |
| Date : | Soutenance le 01/03/2021 |
| Etablissement(s) : | Lyon |
| Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo) (Lyon) |
| Partenaire(s) de recherche : | établissement opérateur d'inscription : Université Claude Bernard (Lyon ; 1971-....) |
| Laboratoire : Laboratoire Langage Cerveau Cognition (Bron) | |
| Jury : | Président / Présidente : Pierre Fourneret |
| Examinateurs / Examinatrices : Tatjana Nazir, Frédéric Isel, Yvonne Delevoye-Turrell, Jacques Moeschler | |
| Rapporteurs / Rapporteuses : Frédéric Isel, Yvonne Delevoye-Turrell |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Bien que la lecture d’une œuvre littéraire soit considérée comme un acte d’une grande valeur autant culturelle que sociale, les preuves expérimentales de son impact sur les comportements sont presque inexistantes. En 2013 Kidd et Castano démontraient que lire de la fiction littéraire, et non pas de la fiction de genre ou de la non-fiction, améliore d’une manière causale notre aptitudes à interpréter les émotions faciales et la « théorie de l’esprit ». En privilégiant le cadre de la cognition incarnée, nous (i) fournissons dans cette thèse une base théorique sur les mécanismes cérébraux qui pourraient expliquer et prédire les effets potentiels de la consommation de fiction littéraire sur le lecteur. Le modèle « Ling-Sim, » (Cayol & Nazir 2020), relie traitement du langage et émulateurs du système moteur et permet de comprendre pourquoi et comment le langage tire parti des régions cérébrales initialement dédiées à d’autres fonctions que la communication. Parce que les études réplicatives des données de kidd et Castano n’ont pas abouti à un véritable consensus et aussi parce-que nous pensons que les tests utilisés jusque-là (cf. RMET ; Baron-Cohen 2001) ne sont pas suffisamment sensibles pour capturer systématiquement les effets subtils qui pourraient survenir immédiatement après la lecture, nous avons (ii) développé un nouveau test, le FExIT (Cayol et Nazir, soumis), qui permet notamment de capturer les effets dispositionnel et situationnel sur la perception des émotions faciales. Nous avons ensuite (iii) utilisé le FExIT, combiné avec des mesures des potentiels évoqués, avant et après la lecture des catégories de textes proposées par Kidd et Castano (e.g. fiction littéraire, fiction de genre et non-fiction) dans l’hypothèse que les stimuli faciaux peuvent acquérir préférentiellement une valence affective à travers les textes littéraires. L’objectif suivant (iv) était de savoir s’il existait des composantes relatives au texte capables d’expliquer la distinction grossière faite entre « fiction littéraire », « fiction de genre » et « non-fiction ». Ces analyses confirment qu’il est facile de distinguer les textes narratifs (littéraires et populaires) des textes factuels sur l’emploi de catégorie simplistes (i.e. verbes, noms, etc.) mais beaucoup moins de justifier une distinction entre la qualité littéraire (littérature versus fiction de genre). Avec l’idée que l’impact de la fiction littéraire sur les processus cognitifs ne se manifeste pas dans la perception des émotions des visages, nous avons (v) enregistré l’activité cérébrale pendant et après la lecture de récits littéraires et de textes explicatifs (documentaires). Cette fois les résultats soutiennent la notion que l’expérience de la littérature est médiatisée par des processus cérébraux autres que ceux des textes factuels (e.g. Graesser et al. 1980 ; Mar and Rain 2015) et pointent vers l’utilisation de variables textuelles critiques pour le déclenchement de ces activités (i.e. simulation, contenu et prise de perspectives). Dans le cadre de cette thèse, (vi) nous avons également développé une version française du « Test de reconnaissance des auteurs » (ART ; Stanovich et West 1989 ; Acheson et al. 2008), le F-ART, afin de pouvoir estimer les habitudes de lecture de nos participants. Les résultats de cette thèse n’ont pas satisfait nos attentes puisque nous n'avons pas pu fournir de preuves solides que la lecture d'un certain type de littérature a un impact immédiat sur notre comportement. Cependant, avec l'élaboration d'un nouveau cadre théorique dans le domaine du traitement du langage incarné (le modèle Ling-Sim), avec le développement du FExIT et du F-ART, et avec la démonstration que l'activité cérébrale qui suit la lecture est dépendante d’un certain style, nous avons contribué à l’enrichissement des connaissances sur les interactions cerveau-corps à travers lesquelles notre espèce a évolué et a construit la culture dans laquelle nous vivons.