Apports de la datation d'évènements de mutation et de sélection à partir de génomes contemporains dans la compréhension d'un processus évolutif : la domestication du mouton
Auteur / Autrice : | Charlotte Her |
Direction : | François Pompanon |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biodiversité écologie environnement |
Date : | Soutenance le 16/12/2021 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale chimie et science du vivant (Grenoble ; 199.-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire d'écologie alpine (Grenoble) |
Jury : | Président / Présidente : Olivier François |
Examinateurs / Examinatrices : François Pompanon, Emmanuelle Vila | |
Rapporteur / Rapporteuse : Simon Boitard, Ludovic Orlando |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
La domestication représente un changement majeur de l’histoire de l’humanité, menant à l'émergence de l'agriculture durant le Néolithique. En offrant une série d'expériences évolutives indépendantes où les plantes et les animaux ont été sélectionnés pour des traits spécifiques, ce processus intéresse depuis longtemps les biologistes évolutionnistes. Le mouton (Ovis aries) est l’une des premières espèces à avoir été domestiquée, ce qui en fait aussi un modèle de choix pour étudier les premières tentatives de l’homme dans le développement de l’élevage. L’étude de ce processus implique plusieurs disciplines complémentaires comme l’archéologie, la paléo-génétique ou la génétique moderne. Les deux premières procurent des témoins directs des processus passés, mais reposent sur des données fragmentées dans le temps et l’espace. L’ADN moderne est au contraire une source de données abondantes dont l’échantillonnage peut être bien plus exhaustif au niveau géographique, mais n’est pas exempt d’incertitudes liées à la nécessité d’inférer les processus passés ayant conduit à la diversité génétique actuelle. Ces inférences sont possibles car les génomes actuels gardent les traces des processus qui les ont façonnés au fil des millénaires. Les variations génétiques le long des génomes et à travers les régions géographiques ont été largement étudiées chez le mouton, permettant d’inférer les processus démographiques (migrations, variations de tailles de populations au cours du temps) et adaptatifs (régions génomiques répondant à la sélection naturelle). Cependant, les informations temporelles contenues dans la variabilité des génomes sont encore largement sous-exploitées. Grâce à 376 génomes complets représentatifs de la diversité actuelle mondiale des moutons et de leurs proches parents sauvages, les mouflons asiatiques, nous avons précisé l’histoire de leur domestication. Les âges d’apparition de plus de 30 millions de variants génomiques ont été estimés et constituent un Atlas disponible pour la communauté scientifique via un site web. La distribution de ces âges montre que l’histoire des moutons est intimement liée à la nôtre, et que leur ADN porte la trace de grandes crises de l’Humanité telles que l’effondrement de l’âge du Bronze ou la peste de Justinien. Les variants génomiques datant de ces périodes indiquent des chutent du partage d’haplotypes entre toutes les populations domestiques. La datation des traces de sélection présentes dans les génomes souligne l’importance des remplacements de populations liés à différentes vagues de diffusion, et de l’intensification récente des sélections de caractères agronomiques. Ces processus ont effacé une partie des empreintes des sélections anciennes. Cependant, certaines races épargnées par ces phénomènes témoignent de l’utilisation précoce probable du lait dès le début de la domestication et de la sélection de caractéristiques potentiellement impliqués dans le syndrome de domestication (couleur, baisse de l’agressivité, immunité). Ce syndrome désigne un ensemble de traits morphologiques, physiologiques et comportementaux partagés par de multiples espèces domestiques sélectionnés probablement involontairement via la sélection des animaux les plus dociles. Cette datation de variants génomiques à large échelle est la première du genre mis en œuvre sur une espèce autre que l’humain. Son utilisation ouvre de nouvelles perspectives pour préciser la chronologie des évènements constituant les scénarios évolutifs (par exemple synchronisme entre migrations et évènements adaptatifs) sur d’autres espèces, dans un contexte de domestication ou plus largement.