Thèse soutenue

Complexité et contrôle du geste linguo-palatal sous l’éclairage de sa variabilité. Le cas de la palatalisation en russe. Aspects phonétiques et phonologiques.

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Auteur / Autrice : Ekaterina Biteeva
Direction : Nathalie ValléeElisabetta Carpitelli
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage Spécialité Linguistique Sociolinguistique et Acquisition du langage
Date : Soutenance le 03/09/2021
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Grenoble Images parole signal automatique
Jury : Président / Présidente : Noël Nguyen
Examinateurs / Examinatrices : Galina Kedrova
Rapporteurs / Rapporteuses : Ioana Chitoran, Daniel Recasens i Vives

Résumé

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La caractérisation du geste lingual et la question de son contrôle dans la production des consonnes [+palatal] font toujours l’objet de débat en phonétique et en phonologie. Nous avons examiné ici le geste linguo-palatal en nous attachant à décrire et à analyser sa variabilité dans la réalisation de différents types de consonne, en suggérant qu’en tant que geste primaire ou secondaire, il pouvait rendre compte du concept de complexité articulatoire et refléter des aspects du contrôle moteur de la langue dans la parole. Outre le type consonantique, les facteurs de variation que nous avons considérés sont le locuteur, la position de l’accent et la structure syllabique. Le russe a été choisi pour le rendement exceptionnel du contraste [±palatal] dans cette langue. Dans une approche expérimentale multitechnique, 3 études complémentaires ont été réalisées, en laboratoire et sur le terrain. La 1re a consisté à acquérir des données d’articulographie électromagnétique afin de mesurer la position et le timing de 4 zones linguales. La 2e a consisté à recueillir, sur leur lieu de vie en Russie, des données de locuteurs natifs monolingues, en utilisant l'imagerie par ultrasons, afin de mieux cerner la variabilité du geste linguo-palatal dans les dimensions diatopique et individuelle. La 3e est une analyse d’un corpus d’images d’IRM constitué des productions d’une locutrice qui a participé aux deux autres études. Le volet expérimental est complété d’une étude de la phonotaxe du russe à partir de données de première main qui a permis d’actualiser les tendances distributionnelles des consonnes [+palatal]. Elle confirme que les palatalisées sont plus marquées que les non palatalisées et suggère des degrés de marquage en fonction du lieu d'articulation et de la position de la consonne dans la syllabe. Les résultats expérimentaux nous ont permis de proposer une définition du geste linguo-palatal impliqué dans la réalisation du contraste palatalisé vs non palatalisé indépendamment des facteurs de variabilité observés et de discuter les différences de réalisation entre labiales, coronales et vélaires. Ils montrent aussi que les coronales palatalisées sont produites à partir d’une superposition de deux constrictions, primaire et secondaire, formées successivement lorsque la consonne est en attaque de syllabe accentuée ou atone. Si aucun effet de l’accent ou de la position sur la forme du contour lingual n'a été trouvé, un déplacement plus global de la langue a été observé en syllabe atone et en coda alors qu’une activation séquentielle des différentes zones linguales a pu être montrée en position d’attaque et en syllabe tonique. Ce résultat suggère un contrôle moteur différent en fonction de l’accent et de la position dans la syllabe. Toujours concernant la variation liée à la position des palatalisées dans la syllabe, le geste lingual semble présenter des caractéristiques spécifiques à une langue donnée. En revanche, d’éventuels effets sur l’articulation linguale liés à la dimension diatopique ou au contact linguistique des locuteurs n’ont pas pu être identifiés contrairement aux résultats d’études antérieures. La palatalisation recrutant les « muscles vocaliques », nos résultats montrent qu’elle bloque la coarticulation avec les voyelles adjacentes. La résistance à la coarticulation serait un facteur explicatif de l’apparente stabilité du système consonantique du russe malgré sa complexité articulatoire et son caractère marqué. La définition de classe naturelle unique pour les consonnes [+palatal] à partir des résultats obtenus a été mise à l’épreuve dans les cadres (1) de la Phonologie Articulatoire pour proposer une modélisation des coordinations gestuelles observées (2) de la Théorie des Éléments pour proposer une modélisation du système phonologique du russe qui unifie les segments palatalisées, palato-alvéolaires et le glide palatal à partir de la primitive |I|, résonance palatale qui peut être supplémentaire à une autre résonance.