Thèse soutenue

Démocrates dans la diversité? : hétérogénéité culturelle, mobilisations électorales des populations minoritaires et transformations politico-institutionnelles dans les sociétés musulmanes

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Auteur / Autrice : Max-Valentin Robert
Direction : Raul Magni BertonJean Marcou
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences politiques
Date : Soutenance le 11/01/2021
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pacte, laboratoire de sciences sociales (Grenoble, Isère, France)
Jury : Président / Présidente : Sebastian Roché
Examinateurs / Examinatrices : Vincent Tiberj, Riva Kastoryano
Rapporteur / Rapporteuse : Élise Massicard, Nicolas Sauger

Mots clés

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Résumé

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Ce travail de thèse s'inscrit dans un champ d'études explorant la stabilité des régimes politiques et les transitions démocratiques. Au-delà des explications traditionnelles relatives à la fréquente prégnance de l'autoritarisme dans ce qu'il est convenu d'appeler le « monde musulman », nous proposons une interprétation de ce phénomène en testant l'hypothèse d'une influence des hétérogénéités linguistique et confessionnelle sur démocratisation : en effet, il a été constaté que, si la diversité religieuse d'un pays accroît les probabilités de voir celui-ci être administré par un régime autoritaire, l'hétérogénéité ethnolinguistique augmente les chances de voir la société en question bénéficier d'un système démocratique. Cette hypothèse sera testée dans la première partie de notre travail doctoral, à travers des analyses de régression transnationales, puis limitées aux pays à majorité musulmane. Nous confirmons le constat d’une influence positive de la diversité ethnolinguistique sur les perspectives de démocratisation, et d’une influence négative de la fractionnalisation confessionnelle sur la libéralisation des régimes politiques. Les mêmes dynamiques se manifestent dans les pays de culture musulmane, à ceci près que la fractionnalisation intra-islamique alimente également les probabilités de démocratisation. Nous proposons également d'explorer cette relation entre composition ethnoculturelle d'une société et nature de son régime politique, en partant de l'idée que l'identité minoritaire peut se structurer autour d'un vote communautaire facilitant la décision électorale, contribuant ainsi à une routinisation des préférences partisanes et à une consolidation démocratique plus rapide. La réussite de la transition démocratique serait donc alimentée par une cristallisation des comportements électoraux de la part des groupes minoritaires. A l'inverse, cette absence de cristallisation et/ou d'accès à la sphère gouvernementale peut alimenter l'instabilité du régime, et même entraîner le recours à la violence extraparlementaire dans une fraction du groupe concerné. La seconde partie de notre thèse est donc consacrée à une étude de cas, portant sur un pays majoritairement musulman ayant eu la particularité de connaître une alternance de périodes démocratiques et de phases d'autoritarisme : la Turquie. Ce pays a en outre la particularité de renfermer une double division relative à sa composition socioculturelle : une division religieuse intra-islamique sunnites/alévis et une division linguistique turcophones/kurdophones. Par conséquent, l'enjeu de notre travail sera de tester également les hypothèses mentionnées ci-dessus, à travers l'utilisation d’un sondage barométrique mené de 2010 à 2015. Nous avons relevé l'existence d'un vote communautaire en Turquie, et avons donc cherché à identifier pourquoi, en dépit de sa prégnance, la démocratie turque n’est pas parvenue à s’enraciner durablement. En plus de revenir sur la réactivité électorale ambivalente des groupes minoritaires durant la phase d’affirmation autoritaire de l’AKP, nous soulignons également la faible manifestation d’un vote « oppositionnel » émanant de ces électorats durant les scrutins succédant à des épisodes autoritaires. L’analyse des dynamiques électorales en Turquie nous incite à adopter une certaine prudence quant aux conclusions relatives aux conséquences politico-institutionnelles du vote communautaire : si l’absence de vote communautaire peut représenter une « occasion ratée » pour les pays engagés dans une phase de transition démocratique, sa manifestation tardive (et non-oppositionnelle) ne constitue pas nécessairement une protection devant les dynamiques de regain autoritaire. Un tel constat esquisse une piste de recherche intéressante pour les travaux qui interrogeront ultérieurement les mécanismes sous-jacents derrière la relation entre diversité culturelle et libéralisation politique.