Thèse soutenue

La sécurité doit-elle disparaître pour progresser ? Le cas des Systèmes de Gestion de la Sécurité (SGS) et leur origine

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Auteur / Autrice : Corinne Bieder
Direction : Patrick SénacMathilde Bourrier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 17/03/2021
Etablissement(s) : Toulouse, ISAE
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Aéronautique-Astronautique (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de recherche ENAC (Toulouse ; 2019-....)
Jury : Président / Présidente : Franck Marle
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Sénac, Mathilde Bourrier, René Amalberti, Andrew Richard Hale
Rapporteur / Rapporteuse : Franck Marle, René Amalberti

Mots clés

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Résumé

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Le SGS (Système de Gestion de la Sécurité) est présenté dans l'aviation comme l'approche la plus prometteuse pour améliorer la sécurité. Pourtant, son efficacité perçue en tant qu'approche de management de la sécurité est mitigée. Cette thèse explore comment le SMS a été adopté dans l'aviation dans les années 2010, comme un changement radical dans le management de la sécurité et un moyen de réduire les occurrences d'accidents. Plus précisément, deux questions sont abordées : Comment le SGS de l'aviation tient-il ses promesses en matière de sécurité ? Comment le SGS a-t-il atterri dans l'aviation ?Sur la base d'une revue de littérature et d'une analyse des guides et outils pour le SGS produits par les autorités de l'aviation civile de trois régions représentatives, différentes philosophies du SGS sont mises en évidence : d'une approche basée sur la conformité, s'appuyant fortement sur une customisation minimale de documents génériques mis à disposition par les autorités, à une approche réflexive amenant les organisations aéronautiques à réfléchir sur leurs propres pratiques et à proposer leurs propres mesures pour gérer au mieux la sécurité.Une analyse critique de la manière dont le SGS tient ses promesses est alors effectuée. Elle passe en revue des raccourcis conceptuels (ex : confusion entre sécurité et SGS ; assimilation de la sécurité à la gestion des risques), les écueils méthodologiques, et les biais introduits par la mise en œuvre pratique du SGS.Pourtant, malgré ces limites, le SGS a été massivement adopté dans les industries à haut risque. Une recherche complémentaire s’imposait pour dépasser ce constat. Elle a été réalisée au moyen d'une approche socio-historique combinant l'analyse de traces écrites et l'interview de 18 ‘anciens’ du management de la sécurité déjà acteurs du domaine au moment de l'émergence et de la diffusion du SGS (fin des années 70 à 90 essentiellement). Cette analyse met en évidence les motivations des différents acteurs de la sécurité à changer d’approche de management de la sécurité, allant de l'amélioration de la performance globale, à des enjeux de responsabilité et de transparence. Elle souligne également le rôle du contexte global dans la convergence vers une approche de type SGS, en particulier : l'élan sociétal vers le New Public Management basé sur la gestion des risques et les audits généralisés ; la diffusion des systèmes de management de la qualité dans l’industrie. Enfin, l’histoire des idées autour du management de la sécurité est explorée. Elle souligne le rôle des communautés, en particulier des communautés de pratique au sein des industries, des communautés d'utilisateurs et des communautés scientifiques, ainsi que celui de certains individus et mécanismes qui ont favorisé la transversalité entre communautés. Au final, le SGS s'avère être l'émanation d'un contexte complexe mêlant de multiples aspects interdépendants.Ces constats conduisent à proposer trois voies à explorer, allant crescendo dans leur décalage avec les pratiques actuelles : 1/ Une extension du cadre, de l’horizon temporel et de la portée de l'analyse des risques, et des méthodes de travail plus inclusives dans le processus de gestion des risques ; 2/ Une extension de la définition de la sécurité au-delà de la gestion des risques reconnaissant l'incertitude, et le développement de capacités à faire face aux inévitables imprévus. Cela implique une flexibilité des modes d’action et de décision pour s’adapter aux situations et par suite, une évolution des modèles de gouvernance vers des modèles plus contextualisés et plus inclusifs ; 3/ Dépasser le périmètre de la sécurité pour mieux la manager, en appréhendant la complexité du contexte global et les multiples enjeux avec lesquels elle interagit. Par ailleurs, aborder la question des enjeux multiples sous un angle favorisant les synergies entre eux plutôt les tensions. Cela passe notamment par une révision des modes de gouvernance et structures organisationnelles.