Les droits ailleurs : les travailleurs italiens face à la protection sociale en France et Argentine dans l'entre-deux-guerres
Auteur / Autrice : | Federico Del Giudice |
Direction : | Alessandro Stanziani, Ilaria Pavan |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire et civilisations |
Date : | Soutenance le 10/12/2021 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS en cotutelle avec Scuola normale superiore (Pise, Italie) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Judith Rainhorn |
Examinateurs / Examinatrices : Judith Rainhorn, Federica Bertagna, Xavier Vigna, Stefano Gallo | |
Rapporteur / Rapporteuse : Federica Bertagna, Xavier Vigna |
Résumé
Pendant l’entre-deux-guerres, la France et l'Argentine ont été les deux principaux pays d'attraction pour l'émigration italienne ; au même moment où les deux États adoptaient leurs nouveaux modèles de protection sociale. Cette thèse étudie l’interaction et les imbrications de ces deux phénomènes : circulation migratoire et réforme sociale. Plus spécifiquement, elle se propose d’étudier comment les travailleurs migrants italiens utilisaient les tribunaux locaux pour revendiquer l’accès aux politiques sociales qui étaient progressivement introduites dans les deux systèmes législatifs. En essayant de surmonter les barrières entre les différents champs historiographiques, l'intention est d'étudier l'intersection, grâce aux tribunaux, entre différentes agencies - environnement normatif local, syndicats, diplomatie, réseaux migratoires - que les étrangers pouvaient mobiliser pour l'élargissement de leurs droits. Cette thèse est divisée en cinq chapitres, que nous pourrions imaginer regroupés en deux parties. La première partie s’interroge sur les droits que les immigrés italiens avaient « théoriquement » à leur arrivée en France et en Argentine dans l’entre-deux-guerre. Dans cette partie nous utilisons un regard d’en haut. Le premier chapitre analyse les différentes rationalités qui étaient à la base de la reconnaissance des droits sociaux aux étrangers dans les deux Pays, en montrant qu’en Argentine la protection sociale était utilisée pour enraciner les immigrés sur le territoire, tandis qu’en France elle répondait à une logique de triage et avait l’objectif de pousser les « désirables » à se naturaliser. Le deuxième chapitre aborde l’émergence du droit international dans l’entre-deux-guerres, afin de montrer les multiples configurations qui étaient nées dans les deux contextes de la rencontre entre le droit national et le droit international et entre les intérêts nationaux et les pressions exercées par la diplomatie. Ce chapitre vise à problématiser la relation entre les formes bilatérales et les formes multilatérales du droit international, en analysant les tensions entre ces deux espaces qui essayaient de régler les droits des travailleurs migrants. Dans le troisième chapitre, nous analysons la façon dont les acteurs institutionnels de l’époque avaient envisagé la possibilité pour les étrangers de se porter demandeurs en justice. En suite, nous traçons une histoire des institutions judiciaires qui s’occupaient de travail en France et en Argentine, afin d’esquisser une chronologie commune et de mettre en évidence les points en commun et les différences. La deuxième partie de la thèse a pour objectif d’analyser les droits que les travailleurs italiens mobilisaient dans la pratique. Le quatrième et le cinquième chapitre portent sur les litiges que nous avons trouvés aux archives des prud’hommes français (Paris, section du bâtiment et Aix-en-Provence, section industrielle) et des tribunaux civils, commerciaux et de paix argentins (Buenos Aires et La Plata). Le quatrième chapitre est centré en particulier sur l’analyse des acteurs, des relations qui entretenaient avec l’environnement de travail qui les entourait, afin de comprendre la dimension collective ou individuelle de l’action en justice, les solidarités qui pouvaient être mobilisées, les liens communautaires qu’ils nouaient, etc. Le chapitre final sera en revanche une étude des demandes et, donc, des problématiques que les travailleurs migrants rencontraient, comment elles changèrent au fil du temps et quelle différence y avait-il par rapport aux revendications des nationaux. Ici nous allons approfondir l’intervention des réformes sociales, et l’effet de celles-ci sur la vie des travailleurs étrangers. En outre nous analysons comment le droit international entrait en contact avec les normes nationales et, surtout, avec les usages locaux.