"Sortir dans les maquis" : politiques de lutte contre le sida et travailleuses du sexe au Mali

"Going out to the maquis" : HIV/AIDS Policies and Sex Workers in Mali

• Auteur / Autrice : Julie Castro
• Direction : Didier Fassin
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Santé et sciences sociales
• Date : Soutenance le 15/12/2021
• Etablissement(s) : Paris, EHESS
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
• Jury : Président / Présidente : Johanna Siméant-Germanos
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Johanna Siméant-Germanos, Fred Eboko, Guillaume Lachenal, Pascale Absi, Annabel Desgrées du Loû
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Fred Eboko, Guillaume Lachenal

Mots clés

Mots clés contrôlés

Prévention de la transmission sexuelle du sida

Société

Sida

Travailleurs du sexe

2000-....

Mali

Politique sanitaire

Mots clés libres

Politique de santé

Conséquences inattendues

Travail du sexe

Transactions intimes

VIH/sida

Ethnographie

Health policy

Unintended consequences

Sex work

Transactional sex

Hiv/aids

Ethnography

Résumé

Cette thèse met en lumière les effets inattendus des interventions menées au nom de la lutte contre le sida auprès des travailleuses du sexe, au Mali, au tournant des années 2010. Dans un contexte marqué par l’intensification de la lutte contre le VIH/sida et la mise à l’agenda des populations les plus affectées par ce virus, cette politique de santé prend alors la forme de “sorties dans les maquis”. Pour mener les enquêtes épidémiologiques, sensibiliser, et dépister les travailleuses du sexe, les équipes de lutte contre le sida se rendent dans les maquis, des établissements populaires communément associés à la prostitution où l’on vient pour consommer de l'alcool et/ou avoir des rapports sexuels. L’analyse, qui repose sur une ethnographie réalisée à Bamako entre 2009 et 2011, décrit l’encastrement de cette politique de santé mondiale dans une configuration locale singulière, et les conséquences tout à fait inattendues qui en résultent en termes de vulnérabilité structurelle et d'action publique. Je montre d’abord que les interventions mettent à mal les « arts de faire » mobilisés par les maquisardes pour atténuer les risques liés à la fréquentation de lieux très mal réputés, qu’elles font obstacle à leurs tactiques de sécurisation matérielle, et qu’elles concourent à stigmatiser un grand nombre de citadines des classes populaires. Je rends ensuite compte des écarts qui séparent les programmes sur le papier des programmes réels, en décrivant les décalages relatifs aux normes et bonnes pratiques, aux instruments, aux objectifs, et en donnant à voir les angles morts de cette politique de santé. Au fil du texte, la thèse souligne la pertinence de la méthode ethnographique qui, parce qu’elle permet d’appréhender la fabrique des effets concrets d’une politique de santé, suggère des pistes précieuses pour la transformation de l’action publique.

This dissertation examines the unintended consequences of HIV/AIDS interventions targeting sex workers in Mali at the turn of the 2010s. In a context marked by the scaling-up of the fight against HIV/AIDS and the prioritization of populations most affected by this virus, these interventions are implemented through "outings in the maquis". In order to conduct epidemiological surveys, prevention programs, and to test sex workers for HIV, NGOs’ teams go to the maquis, i.e. popular places commonly associated with prostitution where people come to drink alcohol and/or have sex. Based on an ethnographic study conducted in Bamako between 2009 and 2011, the dissertation describes the embedding of this global health policy in this specific context, and sheds light on the unintended effects that result from this entanglement, both in terms of structural vulnerability and public action. I first demonstrate that interventions undermine the tactics that allow “maquisardes” to mitigate the risks associated with going out in places with such a bad reputation, hinder their efforts to secure a living, and stigmatize a large number of working-class urban women. I then document the gaps between policy and practices, exposing the discrepancies related to norms, best practices, instruments, and objectives, and revealing the blind spots of this policy. The dissertation emphasizes the relevance of ethnographic methods for unpacking the making of policies’ unintended consequences, therefore providing fertile avenues for the transformation of public action.