Les enjeux de masculinités en Turquie : une étude sur la masculinité politique conservatrice
Auteur / Autrice : | Ozan Soybakis |
Direction : | Nilüfer Göle |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 21/06/2021 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Gilles Bataillon |
Examinateurs / Examinatrices : Gilles Bataillon, Éric Macé, Ipek Merçil, Benoît Fliche | |
Rapporteur / Rapporteuse : Éric Macé, Ipek Merçil |
Mots clés
Résumé
Étude généalogique d’une politisation islamo-conservatrice et populiste en Turquie, cette recherche s’intéresse aux façons dont l’archive d’émotions des hommes conservateurs contribuent à la construction d’une masculinité politique dépendant de nombreux régimes esthétiques et de modes d’identification. En mobilisant des discours quasi-identiques sur l’héroïsation de Recep Tayyip Erdoğan avec des idées ultra-nationalistes et islamistes, les hommes conservateurs semblent déterminer les nouvelles frontières genrées de « l’éthos turc ». La politisation de la masculinité sur l’exemple turc est strictement attachée à l’argument conservateur révélant de nombreuses confrontations historiques non seulement avec la création d’une nation moderne et séculière, débutant à la fin de l’Empire ottoman et se concrétisant avec la fondation de la république en 1923, mais également avec la trajectoire même de ce parcours national en défaveur des milieux islamo-conservateurs, se prolongeant jusqu’aujourd’hui. Cet argument consiste ainsi en une prise de distance avec le kémalisme, l’occidentalisation et l’Occident en qualifiant ces derniers « d’objets de haine ». Fruit des conflits historiques profonds et foyer des traumatismes politiques, « le corps populiste » se veut une occupation mémorielle et performative dans l’espace public sécularisé. Avec pour objectif de constituer une nouvelle identité nationale guidée par le principe du « national et religieux » (milli ve manevî), le président actuel prouve que le lien entre la politique et le genre dépasse les relations partisanes en incarnant « l’image de la nation ». Adossée à son identité, d’inspiration ottomane, familialiste, paternaliste et anti-genre, le régime personnalisé valorise la virilité comme arme défensive et ingrédient majeur de « l’éthos turc ». Au travers des manques de tolérance et de dialogue social envers d’autres catégories socio-culturelles critiques du régime, les hommes conservateurs contrastent leurs idéaux nationaux à l’aide des idéaux masculins inspirés d’un traditionalisme islamo-patriarcal. Pourtant, ce traditionalisme épouse manifestement le séculier dans un contexte néo-libéral dans lequel la société de consommation libère l’identité musulmane des isolements communautaires. En vue de stabiliser et de protéger la visibilité islamique et son historique gagnant depuis 2002, la masculinité politique conservatrice se missionne pour policer l’espace public cosmopolite en politisant la virilité à l’égard d’une multitude d’acteurs désignés dans les reflets du kémalisme. Aussi, cette thèse témoigne de l’écriture de l’histoire officielle de la nouvelle Turquie par le régime des masculinités et de la construction d’un nouveau rapport à la nation dans ce temps de populismes.