Au nom de la solidarité nationale : importation de soins ''personnalisés'' à l'hôpital public. Enquête auprès de professionnel.le.s de soins palliatifs
Auteur / Autrice : | Florence Ollivier |
Direction : | Philippe Bataille |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 08/04/2021 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Henri Bergeron |
Examinateurs / Examinatrices : Henri Bergeron, Michel Castra, Annie Collovald, Nadège Vezinat | |
Rapporteur / Rapporteuse : Michel Castra, Annie Collovald |
Mots clés
Résumé
Inaugurées, pour les premières, à l’été de l’année 1987, les unités de soins palliatifs (USP) « publiques » n’ont pas été ouvertes sans réaction à l’hôpital. Modèle de soins provenant du monde nord-américain et anglais, et du monde privé confessionnel, répandues d’abord dans les cliniques ou les hospices privés, les unités soins palliatifs se développent au sein des hôpitaux généraux, des hôpitaux privés participant au service public, et plus rarement des centres hospitaliers et universitaires (CHU). 1986 est une date charnière dans l’histoire des soins palliatifs en France : la circulaire Laroque autorise les professionnel.le.s de soins à ouvrir une unité de soins palliatifs et apparaissent alors les unités « publiques ». L’enquête montre que les USP représentent une « fenêtre d’opportunités » permettant à des médecins d’acquérir un nouveau statut à la marge du pouvoir médical, et à des gériatres femmes, « méditerranéennes » ou blanches mais bourgeoises et venues des hospices privés confessionnels, d’accéder à l’hôpital public pour y voir revaloriser leurs carrières. On constate aussi une mobilité sociale ascendante chez les infirmières, et une trajectoire stagnante au contraire pour les plus démunis socialement et les soignantes restées fidèles au chevet des malades.Par cette thèse, on entend renouveler les approches des unités de soins palliatifs et du « bien mourir » à la lumière d’une interrogation sur les frontières entre privé et public. Aujourd’hui, l’offre palliativiste du secteur public est en effet largement majoritaire (69% des USP sont en effet ouvertes dans des établissements publics, contre 31% dans le secteur privé), cette publicisation de l’offre palliative se voyant confirmée en 1991 lorsque ces soins sont officiellement inclus dans les « missions de service public ». Or les premières unités de soins palliatifs provenaient soit d’une importation des modèles d’institutions « privées » confessionnelles britanniques (Hostel of God) et québequoises (Maison Michel Sarrazin), soit de premières expériences d’institutions privées confessionnelles en France, comme la Fondation des Œuvres du Calvaire. Ces services posent donc la question de l’introduction des manières de faire « privées » à l’hôpital public en général, et, en particulier, des modalités d’une éventuelle « privatisation » des hôpitaux publics, concernant du moins les patients en fin de vie. On s’aperçoit alors que celle-ci, indépendamment des réalités statistiques, prend en fait essentiellement la forme d’un reniement à la marge des principes de service public : la neutralité des agents, la continuité des soins, et l’égalité des traitements.