Le travail de l'ordre : hiérarchies sociales et ancrages policiers dans les quartiers populaires de Khartoum et Lagos
Auteur / Autrice : | Lucie Revilla |
Direction : | Laurent Fourchard |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Soutenance le 24/03/2021 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Talence, Gironde ; 2011-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Les Afriques dans le monde (Pessac, Gironde ; 2011-....) |
Jury : | Président / Présidente : Élise Massicard |
Examinateurs / Examinatrices : Laurent Fourchard, Élise Massicard, Fabien Jobard, Justin Willis, Marie Vannetzel, Aurélie Mathilde Darley | |
Rapporteur / Rapporteuse : Fabien Jobard, Justin Willis |
Mots clés
Résumé
Cette thèse vise à comprendre ce que l’organisation de l’ordre et de la surveillance locale par les comités et associations de quartier à Khartoum et Lagos dit de la légitimation de la contrainte et des hiérarchies sociales. À partir d’une enquête de longue durée multi-située réalisée entre 2016 et 2019 dans deux quartiers populaires de ces agglomérations, j’interroge la structuration « au ras du sol » du pouvoir policier en proposant la notion de travail de l’ordre qui permet de mieux saisir son ancrage dans l’architecture des rapports sociaux. Si la hiérarchisation des tâches de maintien de l’ordre a été profondément marquée par la colonisation, elle s’est ensuite réactualisée par la valorisation d’une rhétorique du volontariat policier et de la réforme morale. À l’échelle locale, ces modèles d’engagement se sont juxtaposés à des conceptions locales du travail communautaire et se sont encastrés au sein des hiérarchies du pouvoir local. Cette configuration donne lieu à une véritable économie politique du quartier et implique des rétributions de différentes formes. À travers l’approche comparative, cette thèse montre les ambivalences inhérentes aux pratiques de coercition qui se nourrissent de répertoires contradictoires. À Khartoum, l’analyse des rapports de pouvoir ordinaires montre que ces pratiques s’ancrent dans les sociabilités de quartier et donnent une signification ambivalente à la coercition en incorporant les registres du service, de l’honneur social et de l’autorité religieuse. À Lagos, l’ethnographie des pratiques vigilantes montre que les patrouilleurs sont continuellement engagés dans la négociation de leur assignation à un statut subalterne. Dans les deux cas, les représentations genrées des rôles sociaux et la construction des masculinités sont au cœur de la construction des profils considérés légitimes à sanctionner en même temps qu’ils sont assignés à un rôle de protection. La reconstitution des trajectoires biographiques de volontaires à Khartoum et de patrouilleurs à Lagos invite à considérer les usages politiques et sociaux de l’engagement pour la protection du quartier selon les propriétés sociales des individus. Elles révèlent en miroir la diversité des mondes sociaux entourant le travail de l’ordre et la manière dont celui-ci participe à la territorialisation du politique. En croisant les apports de la sociologie du volontariat et du travail de police ainsi que l’analyse localisée du politique et les études de genre, j’entends contribuer à réinscrire l’étude de la coercition dans le cadre plus large de la hiérarchisation des rapports sociaux.