Thèse soutenue

Immigration et représentation de l'altérité dans la littérature francophone postcoloniale : lecture de quelques romans africains subsahariens et maghrébins.

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Auteur / Autrice : Frédéric Diffo
Direction : Anne-Gaëlle Weber
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature comparée
Date : Soutenance le 17/09/2021
Etablissement(s) : Artois
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales (Amiens)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Textes & cultures (Arras ; 2006-....)
Jury : Président / Présidente : Évelyne Thoizet
Examinateurs / Examinatrices : Anne-Gaëlle Weber, Évelyne Thoizet, Yves Clavaron, Odile Gannier
Rapporteur / Rapporteuse : Yves Clavaron, Odile Gannier

Résumé

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La récupération des faits migratoires par les romanciers dits de la migritude structure désormais le champ littéraire francophone. Dans leurs spécificités subsahariennes et maghrébines, les narrations de l’immigration africaine, de plus en plus éclatées, ouvrent sur des mises en scène entre l’identité et l’altérité qui donnent à voir des personnages migrants pris entre une double représentation au sens de l’autoreprésentation et de la projection. Sous ce prisme, considérant la pertinence des rapports des immigrés à l’Autre et l’espace narratif que les écrivains francophones postcoloniaux - Tahar Ben Jelloun, Fawzia Zouari, Fatou Diome, Léonora Miano, Ngozi Adichie - accordent à ces rapports dans leurs différents textes, cette thèse vise à établir que les romans francophones postcoloniaux de la migritude constituent un lieu de rencontre et de représentation des altérités – autrui et la mêmeté - qui culminent sur la migrance textuelle comme étant une technique d’écriture consubstantielle aux romans francophones postcoloniaux de l’immigration. En même temps, le regard croisé sur les romans maghrébins et subsahariens selon la démarche comparative permet de superposer, tout en comparant, non seulement les techniques d’écritures qui contribuent à la mise en narration des filières et des circuits migratoires qui se recoupent sans discontinuité, mais aussi et surtout à la mise en perspective de la figure de l’Autre dans sa dimension énigmatique et réaliste. Finalement, l’analyse confrontée du corpus – Partir, Au pays, Ce pays dont je meurs, Le Ventre de l’Atlantique, Tels des astres éteints, et Americanah – confirme l’idée que les univers de croyance, les construits socio-culturels et idéologiques des personnages immigrés déterminent, indépendamment de leurs zones géographiques - Maghreb et Afrique subsaharienne -, la nature de leurs rapports à l’altérité et le prisme sous lequel ils représentent l’Autre dans son identité, dans sa différence. Le champ migratoire est alors pris d’assaut par des agents littéralement vulnérables qui vibrent au rythme des représentations à la fois admiratives et rébarbatives de l’Autre. Toujours est-il que les migrants réguliers et irréguliers, les clandestins et les exilés, épris par la recherche d’un exutoire, se révèlent comme des catégories sociales livrées à une conjoncture chaotique dont le départ pour le prétendu éden occidental est assimilé à une fuite, à un bannissement de leur terre natale. En pleine excentricité, les défis d’intégration deviennent âpres, dilatent les rapports, reconfigurent les modes de représentation et ouvrent soit sur un consensus du vivre ensemble soit sur un choc identitaire. Alors, suite au retour à la case de départ, les utopies les plus tenaces s’estompent et cèdent à une double conscience identitaire incarnée par les personnages immigrés qui sont désormais voués à l’inextricable entre-deux cultures. Au plan de l’écriture, ces récits sont marqués par une hybridité différentielle selon qu’ils sont de provenance subsaharienne ou maghrébine, traduisant, par le même procédé, les fluctuations identitaires cristallisées autour d’une thématique incluant la transculturalité, le rhizome, le nomadisme, le stéréotype, le préjugé et le métissage. Cette ligne thématique concourt, au-delà des questions de survie et d’assouvissement des besoins symboliques tributaires de la situation des migrants, à faire des récits de l’immigration africaine un espace de revendication et de construction identitaire. Cette configuration textuelle du récit inscrit les défis identitaires dans une démarche où l’immersion et la fusion dans l’altérité effacent les frontières étanches des identités nationales et favorisent l’émergence d’un nouveau type de personnage qui se veut transculturel. En définitive, les romans francophones de l’immigration se donnent à lire comme des espaces de fixation et de rencontre entre l’altérité et l’identité, conduisant à la béance et à l’altruisme.