Thèse soutenue

Les Quatre préceptes (al-aḥkām al-arba‘a) : le droit shi’ite imamite à l’épreuve de l’Occultation
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Auteur / Autrice : Nasrollah Nejatbakhshe
Direction : Mohammad Ali Amir-Moezzi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire des religions et anthropologie religieuse
Date : Soutenance le 11/12/2020
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Établissement de préparation de la thèse : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....)
Laboratoire : LEM Laboratoire d’études sur les Monothéismes (Paris ; 1998-....)
Jury : Président / Présidente : Pierre Lory
Examinateurs / Examinatrices : Mohammad Ali Amir-Moezzi, Pierre Lory, Wissam Halawi, Hossein Esmaïli, Mathieu Terrier
Rapporteurs / Rapporteuses : Wissam Halawi, Hossein Esmaïli

Mots clés

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Résumé

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Le shi’isme est avant tout la religion de la figure sainte du Guide divin, de l’Imam. L’imamisme duodécimain (à douze imams), branche principale et de loin majoritaire du shi’isme (actuellement plus de 200 millions de fidèles) et religion d’Etat en Iran depuis le X/XVIe siècle, porte ce nom car sa lignée d’Imams se termine avec le douzième. D’après la tradition, celui-ci s’est occulté dans la première moitié du IV/Xe siècle, devenant ainsi « l’Imam caché », pour revenir à la Fin des temps en tant que Sauveur eschatologique. Or, sur le plan juridique, l’absence de l’Imam rend problématiques un certain nombre de pratiques religieuses. En l’occurrence, c’est le cas de ce qu’on appelle en droit imamite « les Quatre Préceptes » (al-aḥkām al-arba‘a). Il s’agit de : 1) la guerre sainte, le jihād, plus particulièrement le jihād offensif. 2) La collecte et la distribution de certaines taxes religieuses, plus précisément le Cinquième (al-khums), l’aumône (al-zakāt) et dans certains cas l’impôt foncier (al-kharāj). 3) Les peines légales (ḥadd, pluriel ḥudūd), c’est-à-dire les peines prévues par le Coran pour punir certaines fautes comme couper la main du voleur ou fouetter l’adultère. 4) Enfin, les prières collectives et plus singulièrement la prière collective du vendredi (ṣalāt al-jumu‘a). C’est que selon le droit imamite ancien, consigné dans le corpus des enseignements attribués aux Imams historiques et compilé dans les plus anciens ouvrages de Hadith tout le long des III-IV/IX-Xe siècles, ces prescriptions, pour être pratiquées et mises en application de manière adéquate, doivent être directement dirigées par la personne de l’Imam infaillible ou le représentant de l’Imam, explicitement et nommément désigné par ce dernier. Dans la période de l’Occultation qui, selon l’imamisme duodécimain, dure encore et durera jusqu’à la Fin des temps, l’Imam étant lui-même physiquement absent et n’étant pas capable de désigner nommément un représentant, l’application de ces Quatre Préceptes devient problématique. La thèse est l’étude de l’évolution des théories juridiques autour de ces Quatre Préceptes, les débats voire les conflits entre différents courants à leur sujet ainsi que la présentation des sources les concernant depuis l’avènement de l’Occultation au IV/Xe siècle jusqu’à nos jours. Une attention particulière y est accordée à l’époque safavide (X/XVIe au XII/XVIIIe siècle), époque de la déclaration de l’imamisme comme religion d’Etat dans l’empire iranien et celle de la naissance de ce qui est conventionnellement appelé « le clergé shi’ite ». A travers l’examen historique des différentes théories sur la légalité ou l’illégalité de la pratique des Quatre Préceptes pendant l’Occultation, on peut se rendre compte d’un phénomène historique majeur : le remplacement progressif de la figure de l’Imam et de son autorité spirituelle par celle du Docteur de la Loi, juriste-théologien mujtahid, et son autorité théologico-politique. Ce phénomène, commencé il y a plus d’un millénaire dans la Bagdad des Bouyides avec la rationalisation du shi’isme, atteint son apogée dans l’Iran révolutionnaire du XXe siècle et l’arrivée au pouvoir, pour la première fois, du clergé « rationaliste » à la tête d’un grand Etat.