Thèse soutenue

Coopération : l'éthique de l'agir ensemble

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Auteur / Autrice : Jules Salomone-Sehr
Direction : Sacha GirondeMiranda Fricker
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 10/12/2020
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres en cotutelle avec City university of New York
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut Jean-Nicod (Paris) (2002-....)
établissement de préparation de la thèse : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
Jury : Président / Présidente : Elisabeth Pacherie
Examinateurs / Examinatrices : Sacha Gironde, Miranda Fricker, Elisabeth Pacherie, Jennifer M. Morton, David Papineau, Charles W. Mills, Kate Ritchie
Rapporteurs / Rapporteuses : Jennifer M. Morton, David Papineau

Mots clés

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Résumé

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Imaginez-vous à une terrasse de café parisien à regarder les passants dans la rue. À première vue, ces passants vaquent à leurs occupations. Mais vous apercevez des caméras et vous rendez compte que ces passants sont en fait des acteurs sur un tournage. Vous pensiez être en présence d’actions individuelles, mais il est maintenant clair que ces personnes jouent chacune leur rôle dans un type d’activité différent : une activité partagée. L'agir ensemble est au fondement de notre socialité. Nous faisons des films, débattons au Parlement et combattons des pandémies ensemble. Dans ma thèse, je propose 1) une explication du contraste entre action individuelle et activité partagée et 2) une élucidation de ce en quoi consiste la coopérativité, c’est-à-dire la disposition à se comporter en bon partenaire.Qu’est-ce qui explique que les acteurs de tout à l’heure accomplissent bien plus que des actions isolées ? Depuis le café, il était d’abord impossible de les distinguer d’avec des badauds. Des exemples de ce type ont conduit les théoriciens de l’agir ensemble à soutenir que la différence entre agir individuel et activité partagée est de nature psychologique : alors que les badauds ont chacun une intention individuelle de vaquer à leurs occupations, les acteurs partagent l’intention de faire un film. Certains théoriciens ajoutent à cela une dimension normative : l’agir ensemble impliquerait que chaque participant soit tenu par l’obligation de faire sa part. Mais ces théories font fausse route. Ma thèse propose une théorie minimaliste de l’agir ensemble. Cette théorie comprend une analyse conceptuelle de l’agir ensemble et une explication des mécanismes grâce auxquels nous mettons en commun nos pouvoirs d’agir. Mon analyse soutient que nous agissons ensemble si et seulement si nos activités respectives se conforment à un plan et ce plan fait partie de l’explication du fait que nos activités s’y conforment. En bref, nous agissons ensemble si et seulement si nos activités sont coordonnées par un plan commun. Parfois, faire sa part dans un plan commun est une obligation, mais pas toujours. Et parfois, le plan figure dans le contenu d’intentions partagées. Cependant, au-delà des intentions partagées, il y a deux familles additionnelles de mécanismes grâce auxquels nous mettons en commun nos pouvoirs d’agir : la première implique un planificateur centralisé (par exemple, un réalisateur), l’autre implique des processus sélectifs darwiniens. Ces mécanismes peuvent coordonner nos activités même en l’absence d’intentions partagées. Cette théorie minimaliste permet de rendre compte de l’une des fonctions que joue notre concept d’agentivité partagée, à savoir, nous permettre de nous orienter dans notre monde social en nous donnant la possibilité de discerner les plans communs que, sans le faire exprès, et peut-être sans même le savoir, nous mettons en œuvre. Mon second axe de recherche procède du constat que l’agir ensemble est une affaire risquée : peut-être m’avez-vous forcé à partager une intention avec vous ; peut-être avez-vous dévié de notre plan sans me le dire. Nous avons heureusement des ressources conceptuelles pour nous protéger des risques encourus lorsque nous partageons notre pouvoir d’agir avec autrui. Le concept de coopérativité est l’une de ces ressources. Sa fonction est d’identifier les agents qui ont une disposition à se comporter en bons partenaires. La coopérativité admet des degrés. Un partenaire est minimalement coopératif dès lors que, s’il s’est engagé à faire sa part, il tient ses engagements et ne détourne pas notre plan. Un agent robustement coopératif, en outre, considère le pouvoir d’agir de ses partenaires non pas comme ce qu’il s’agit de prévoir et de contourner, mais comme une source d’agir avec laquelle l’on peut combiner sa propre agentivité. Ainsi conçue, la coopérativité est une disposition qu’il est dans notre intérêt de façonner comme une vertu—une vertu sans laquelle nos sociétés ne tourneraient pas rond.