Développement de modèles in vitro et in vivo pour analyser la réponse aux radiations ionisantes du tissu thyroïdien normal humain
Auteur / Autrice : | Dan Mejlachowicz |
Direction : | Sylvie Chevillard, Catherine Ory |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Aspects moléculaires et cellulaires de la biologie |
Date : | Soutenance le 10/12/2020 |
Etablissement(s) : | université Paris-Saclay |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Cancérologie : biologie-médecine-santé (Villejuif, Val-de-Marne ; 2015-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire de Cancérologie Expérimentale (Fontenay-Aux-Roses) |
Référent : Université Paris-Saclay. Faculté de médecine (Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne ; 2020-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Roger Lacave |
Examinateurs / Examinatrices : Thierry Pourcher, Paul Hofman, Sandra Musso-Lassalle, Maâmar Souidi | |
Rapporteur / Rapporteuse : Thierry Pourcher, Paul Hofman |
Mots clés
Résumé
Le seul facteur étiologique démontré pour le cancer de la thyroïde est une exposition aux radiations ionisantes (RI) durant l’enfance. Les études épidémiologiques mesurent un risque significatif de développer un cancer suite à l’exposition pour une dose reçue à la thyroïde d’au minimum 50 mGy, le risque étant proportionnel à la dose. Ce risque est observé après une exposition externe à fortes doses/débits de dose (radiothérapie) et après une contamination à de plus faibles doses de radioisotopes de l’iode. Si des cancers radio-induits (R) se développent à des doses <50mGy, l’excès de cancers ne peut pas être mesuré par l’épidémiologie conventionnelle, d’autant plus que l’incidence des cancers spontanés de la thyroïde (S) augmente. En conséquence, il n’est pas possible de répondre aux interrogations sociétales sur les risques pour la santé d’exposition aux faibles doses délivrées lors d’examens d’imagerie médicale dans la région « tête et cou » chez l’enfant, ou reçues suite aux retombées des accidents de Tchernobyl et Fukushima, et aux essais nucléaires atmosphériques en Polynésie française.Pour répondre à ces interrogations, une meilleure connaissance de l’effet des RI en fonction de la dose et du débit de dose sur la thyroïde humaine est nécessaire. La carcinogenèse thyroïdienne présente des spécificités d’espèces : chez la souris, l’incidence de cancers de la thyroïde S et R est faible, et les quelques tumeurs R qui se développent sont principalement des cancers folliculaires alors qu’ils sont majoritairement papillaires chez l’Homme (S et R).Pour analyser la réponse aux RI du tissu thyroïdien humain normal, nous avons développé plusieurs approches à partir de biopsies de tissu normal provenant de patients ayant subi une thyroïdectomie : des cultures primaires de thyrocytes, des modèles 3D in vitro (thyrosphères, cultures organotypiques) et des xénogreffes chez la souris.Pour les modèles 3D, le maintien de la polarité, de la différenciation cellulaire, de la complexité tissulaire et de l’activité physiologique des cultures ont été contrôlés. Nous avons obtenu des thyrosphères (6 donneurs) organisées en follicules délimitant un lumen composé de thyroglobuline. Nous avons développé des cultures organotypiques en matrigel selon le protocole publié par Toda et al. (thyroïde de porc, 2002) (7 donneurs), et montré un choc hypoxique dans les tissus. Une oxygénation optimale du tissu a été obtenue par une culture en interface air-liquide (ALI) (3 donneurs). En culture ALI, les biopsies sécrétent l’hormone thyroïdienne T4 en réponse à la TSH (1 donneur, 1 semaine). Ce protocole a permis un maintien du tissu sur 4 semaines. Les xénogreffes devraient permettre une analyse à des temps plus tardifs, et ont déjà permis le maintien du tissu sur 5 semaines sur des souris SCID/beige (3 donneurs).En parallèle, nous avons comparé la prolifération, la survie et la cinétique d’induction/réparation des cassures après exposition aux RI de cultures primaires de thyrocytes de patients exposés (radiothérapie) pendant l’enfance (2 donneurs) ou non exposés (3 donneurs). Nous observons de façon reproductible que les thyrocytes exposés sont plus radiorésistants que les thyrocytes non exposés. Ces résultats suggèrent fortement l’existence d’une empreinte à long terme d’exposition aux RI dans le tissu normal, en accord avec l’identification de signatures moléculaires discriminant le tissu normal exposé et non exposé par C Ory et N Ugolin au LCE. Comme suggéré par l’équipe de C Dupuy, cette empreinte pourrait être due à la mise en place d’un stress oxydatif chronique dans la thyroïde suite à l’exposition aux RI.Les modèles développés pendant cette thèse seront essentiels pour comprendre les effets et les risques des RI à faibles et fortes doses, associées ou non aux perturbateurs endocriniens, sur la thyroïde humaine, ainsi que les premières étapes de la carcinogenèse et l’origine de cette empreinte d’exposition persistante sur le long terme.