Thèse soutenue

Exploration des communautés microbiennes le long des gradients physicochimiques poly-extrêmes de Dallol et de ses environs (dépression de Danakil, région Afar, Ethiopie)

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Auteur / Autrice : Jodie Belilla
Direction : Purificación López-García
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la vie et de la santé
Date : Soutenance le 24/11/2020
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Structure et Dynamique des Systèmes Vivants
Partenaire(s) de recherche : référent : Université Paris-Saclay. Faculté des sciences d’Orsay (Essonne ; 2020-....)
Laboratoire : Écologie, systématique et évolution (Orsay, Essonne ; 2002-....)
Jury : Président / Présidente : Bénédicte Ménez
Examinateurs / Examinatrices : Tamara Basta-Le Berre, Philippe Oger, François Guyot
Rapporteurs / Rapporteuses : Tamara Basta-Le Berre, Philippe Oger, François Guyot

Résumé

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Parmi toute la diversité microbienne des trois domaines du vivant, une fraction des microorganismes (en particulier certaines Archées) s’est adaptée aux conditions les plus extrêmes. La plupart des environnements extrêmes se caractérisant par de multiples facteurs de stress, une partie des extrêmophiles sont en réalité polyextrêmophiles. Néanmoins, il n’y a pas de microorganismes connus adaptés simultanément à un pH très faible (<1.5) ainsi qu’une très forte salinité (et éventuellement une forte température). Soit il n'existe pas d'adaptations moléculaires capables de supporter certaines combinaisons de pH et de salinité, soit ces incertitudes sont liées au fait que les environnements hyperacides et hypersalés (et chauds) sont rares et inexplorés.Le désert de sel de la dépression de Danakil en Ethiopie se situe à la confluence de trois plaques tectoniques dans le rift Est Africain. Au milieu de cette zone géologiquement active, le dôme géothermal de Dallol et ses environs offrent une rare combinaison de paramètres physicochimiques, alliant forts taux de sels (20 à 78%, riches en Mg2+/Ca2+ ou en Na+(/Fe2+/3+)) et des pH neutres à négatifs (~6 à -1.5). Par conséquent, l'ensemble de ces sites constituent un bon modèle pour étudier les communautés microbiennes le long de ces gradients rares et uniques. Au cours des quatre dernières années, nous avons collecté 235 échantillons au niveau des différents sites de Dallol et ses alentours. Des mesures physicochimiques in situ et ex situ nous ont permis de caractériser chaque environnement et d’estimer son habitabilité théorique. Nous avons ensuite procédé à la purification d’ADN des échantillons amplifié et séquencé des gènes d'ARNr 16S/18S afin de caractériser la diversité microbienne que nous avons comparé à des bases de données et classées phylogénétiquement. Nous avons également complété notre étude par des analyses/observations au cytomètre de flux au microscope (optique, électronique à balayage et confocal).Les environnements hypersalés (~30% de NaCl) et légèrement acides (pH 4-6) ont montré une diversité de microorganismes très élevée, dominée par les Archées (80% du total des séquences) en particulier des phyla Halobacteria et Nanohaloarchaeota, fréquemment associés dans les milieux hypersalés. Nous avons pu constater que l’augmentation de l’acidité et la salinité s’accompagnait de l’augmentation de la proportion d’Archées (en particulier de Nanohaloarchaeota). Une meilleure adaptation des archées halophiles par rapport aux bactéries pourrait expliquer leur prévalence. Quant aux nanohaloarchées, leur augmentation pourrait être lié à leur rôle suspecté d’ectosymbiontes d’haloarchées : dans le cas d’une relation mutualiste, ils pourraient favoriser l’adaptation de leur hôte aux conditions plus extrêmes ; dans le cas d’une relation parasitaire, des conditions environnementales plus difficiles pour l’hôte pourrait favoriser le parasitisme. Aucune trace de vie microbienne n'a été trouvée dans les environnements les plus polyextrêmes (salinité 20-78%, pH -1 à 3). Pour certains sites, nous interprétons que les valeurs de chaotropicité, d'activité de l'eau et de force ionique liés à la composition et concentration de sels (minimum 50%, riches en Mg2+/Ca2+) sont limitantes pour la vie microbienne. Pour d'autres, comme le dôme de Dallol, il pourrait s'agir de la combinaison d'hypersalinité et d'hyperacidité (pH~0) qui le rendent inhospitalier, sans exclure d’éventuels composés chimiques stérilisateurs. Les environnements avec une biomasse faible ou absente étant sensibles à la biocontamination, nous avons tâché d’estimer l’impact de cette biocontamination sur l’étude des sites multi-extrême de Dallol et de ses environs. Nous proposons ainsi un protocole rigoureux, basé sur l’utilisation d’analyses croisées et de témoins positifs/négatifs dans toutes nos expériences afin de séparer l’ADN endogène et exogène, et de distinguer les cellules des biomorphes abiotiques dans nos échantillons.