Des nombres et des mots : L’écriture de la généralité dans l’émergence de la géométrie énumérative (1852-1893)
Auteur / Autrice : | Nicolas Michel |
Direction : | Karine Chemla, Ivahn Smadja |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Epistémologie, histoire des sciences et des techniques. Histoire et philosophie des mathématiques |
Date : | Soutenance le 24/09/2020 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Savoir, sciences, éducation (Paris ; 2019-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Sciences philosophie histoire (Paris ; 2009-....) |
Jury : | Président / Présidente : Rossana Tazzioli |
Examinateurs / Examinatrices : Karine Chemla, Ivahn Smadja, Rossana Tazzioli, Jemma Lorenat, Jeremy John Gray, Patrick Popescu-Pampu, François Lê | |
Rapporteur / Rapporteuse : Jemma Lorenat, Jeremy John Gray |
Résumé
Cette thèse traite de la genèse et de la réception de la “théorie des caractéristiques”, une théorie mathématique formulée initialement entre 1864 et 1867 par le géomètre français Michel Chasles (1793-1880). Cette théorie visait à dénombrer et à construire, de manière systématique et uniforme, les sections coniques satisfaisant cinq conditions géométriques données, sans recourir au calcul algébrique. En cela, elle s’inscrivait pour Chasles dans un programme de recherche plus large, qu'il avait entrepris notamment au sein des cours de Géométrie Supérieure qu'il donnait à la Faculté de Paris depuis 1846. Par son enseignement, Chasles cherchait à réinventer le langage et les concepts de la géométrie pure pour lui donner une généralité équivalente à celle du calcul algébrique. La théorie de Chasles connut une réception rapide à travers l'Europe mathématique, et elle fut retravaillée par, entre autres, Hieronymus Zeuthen (1839-1920), Georges-Henri Halphen (1844-1889), Hermann Schubert (1848-1911), et Eduard Study (1862-1930). Parmi ces lecteurs, toutefois, peu souscrivaient aux thèses philosophiques de Chasles ; et beaucoup décidèrent de réécrire les concepts clefs de la théorie des caractéristiques au travers de tout nouveaux outillages techniques et notationnels, et dans des cadres informés par de toutes autres positions épistémologiques. Au fil de ces réécritures concurrentes, une formule identifiée mais non démontrée par Chasles se révéla être problématique : elle fut successivement prouvée et réfutée à plusieurs reprises, et devint ainsi l’objet de plusieurs controverses entre 1867 et 1893. Ces controverses étaient bien plus que des disputes techniques autour d'un point de mathématiques : plus profondément, elles traduisaient des désaccords importants autour de la valeur épistémologique de la généralité en mathématiques, de la façon dont on peut fabriquer en géométrie un objet général, et des pratiques textuelles par lesquelles ladite généralité doit être couchée sur le papier. Dans un premier temps, cette thèse situe la genèse de cette théorie dans le contexte de la réflexion de Chasles sur l'histoire et la philosophie de la géométrie, et notamment sur le thème de la généralité des méthodes. La seconde partie de cette thèse s'attache alors à montrer que la réception de la théorie des caractéristiques permet une nouvelle perspective sur la formation des mathématiques modernes, à la croisée de l'histoire culturelle des sciences et de l'histoire technique des pratiques mathématiques.