Thèse soutenue

Le multiculturalisme à Maurice : racisme colonial, best-loser system et axiomatique postcoloniale

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Auteur / Autrice : Avinaash Munohur
Direction : Marie Cuillerai
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences politiques. Philosophie politique
Date : Soutenance le 07/02/2020
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de changement social et politique (Paris ; 2014-...)
Jury : Président / Présidente : Guillaume Le Blanc
Examinateurs / Examinatrices : Marie Cuillerai, Guillaume Le Blanc, Roshni Mooneeram, Patrice Vermeren, Julie Peghini, Guillaume Sibertin-Blanc
Rapporteurs / Rapporteuses : Roshni Mooneeram, Patrice Vermeren

Résumé

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L’île Maurice est souvent citée comme l’exemple d’un vivre-ensemble exemplaire et d’une société plurale réconciliée avec ses contradictions. Mais par-delà les clichés pour touristes et en-deçà des pratiques religieuses et des rituels culturels propre à chaque communauté de l’arc-en-ciel mauricien, opère une structure du pouvoir fondée dans la notion même de la différence de couleur et qui va se trouver à la source de la multiplication des catégories censitaires ; qui vont à leurs tours produire une multiplication des catégories de la représentation politique, et des opérations d’inscription des individus dans des enclos socio-économiques et des enfermements culturels, communautaires, religieux, ethniques et linguistiques. Cette présente thèse ne se veut ainsi pas être une histoire des colonialismes. Elle n’est pas non plus une histoire de la révolution industrielle sucrière, et encore moins une anthropologie de l’interculturalité à Maurice. Elle ambitionne uniquement d’appréhender la rationalité proprement structurelle du multiculturalisme mauricien par le biais de la philosophie poststructuraliste, et notamment par les philosophies politiques de Gilles Deleuze, de Félix Guattari et de Michel Foucault. Nous pensons ainsi que le Best-Loser System – dispositif se trouvant au coeur du système électoral – est une machine à produire des divisions identitaires dans le système de la représentation politique qui nous permet une porte d’entrée privilégiée pour penser cette dimension proprement structurelle du multiculturalisme mauricien. Ainsi, nous avons particulièrement voulu investir la notion d’axiomatique chez Gilles Deleuze et Félix Guattari – avec les ensembles conceptuels qui en dérivent, comme les notions de minorité et de majorité. Notre hypothèse est la suivante : le multiculturalisme mauricien est une machine à produire des identités ; identités qui sont ensuite maintenues dans une logique de la lutte pour la reconnaissance – luttes antagonistes par rapport à la structure de la représentation, et qui demandent une reconnaissance et une inscription dans cette même structure - ; et c’est à partir de cette logique de la lutte qu’opère une axiomatique qui inscrit les nouveaux axiomes dans la structure de la représentation. Ces luttes ne sont pas nouvelles dans l’histoire de Maurice, loin de là même. Elles trouvent leurs sources dès 1642 avec les premiers esclaves marrons. L’émergence du séga tipik et plus tard du séga engagé s’inscrivent également dans cette ligne de fuite et constituent ce que Deleuze et Guattari ont nommé un art mineur qui nous semble extrêmement important d’explorer. Nous voyons également apparaître depuis quelques années un cinéma mauricien dont la réflexion s’articule le plus souvent autour du monde de la plantation et du vivre-ensemble à Maurice. Le film Lonbraz Kann du cinéaste David Constantin nous semble, par exemple, profondément important car il aborde, avec les moyens qui sont propres au cinéma, certaines des problématiques que nous balayerons dans ce présent travail. Nous explorerons, en dernier lieu, le concept de fabulation, concept qui apparaît tardivement dans l’oeuvre deleuzienne, mais qu’il nous semble essentiel de considérer car il nous permet une autre lumière sur les objectifs politiques des arts mauriciens. Ainsi, nous voyons, au travers la notion de fabulation se construire une autre île Maurice à travers ses artistes. Le cinéma et la musique surtout, mais aussi les nouveaux collectifs qui luttent pour la protection des lagons et des océans, nous mettent en face d’autres régimes signifiants, d’autres codes aussi. Ils préparent le terrain pour des luttes qui peuvent constituer autant de nouvelles problématiques qui contournent la logique des catégories fondées dans les subjectivités racialisées, et qui se confrontent à la logique immanente de l’axiomatique.