Georges Carpentier ou la Belle Époque de la boxe anglaise en France : 1900-1914
Auteur / Autrice : | Stéphane Hadjeras |
Direction : | Paul Dietschy |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Soutenance le 07/02/2020 |
Etablissement(s) : | Bourgogne Franche-Comté |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sociétés, Espaces, Pratiques, Temps (Dijon ; Besançon ; 2017-....) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement de préparation : Université de Franche-Comté (1971-2024) |
Laboratoire : Centre Lucien Febvre (Besançon) | |
Jury : | Président / Présidente : Anne Carol |
Examinateurs / Examinatrices : Paul Dietschy, Anne Carol, Dominique Kalifa, Luc Robène, Georges Vigarello, Thomas Bauer | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Dominique Kalifa, Luc Robène |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Alors qu’au tournant du XIXe siècle, la boxe anglaise demeure en France une pratique délictuelle et obscure, elle est promue, à la veille de la Grande Guerre, au rang de sport des plus à la mode. Incarnant un idéal de régénérescence physique, cette mise en scène du corps s’érige alors en spectacle phare des soirées parisiennes. La fréquence des manifestations, le nombre de spectateurs lors des grands combats, l’intérêt porté par une grande partie de la presse et, pour finir, l’hétérogénéité sociale d’un public, composé notamment par les principales élites artistiques de la Belle Époque, constituent les témoignages les plus significatifs de ce « triomphe du poing ».Ce que l’on peut appeler « La Belle Époque de la boxe anglaise en France » est également marqué par une corrélation entre les succès de cette pratique et l’avènement de la première vedette sportive tricolore : le boxeur Georges Carpentier. Né en 1894 à Liévin, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, ce champion embrasse la profession de pugiliste à l’âge de 14 ans. En 1914, âgé de 20 ans, il a déjà livré plus de 77 affrontements et conquis, au grand dam des britanniques, quatre titres de champion d’Europe ! Un tel parcours invite à penser la question de la fabrique du champion à la Belle Époque. Il est d’autant le produit d’un entourage sportif compétent et d’un travail acharné que le résultat d’une sorte de « don » amplifié par la précocité et la difficulté des combats. Sans oublier, un environnement économique favorable au sport spectacle marqué par la synergie, voire la consanguinité des entrepreneurs du spectacle sportif et des organes de presse qui œuvrent pour la construction d’une « idole nationale ».Contrairement à la plupart des lauréats de ce sport, entrés en carrière à l’âge adulte, Carpentier choisit ce rude métier au sortir de l’enfance. Aussi, dispute-t-il la majorité de ses combats durant son adolescence. Parce que le spectacle de la boxe peut servir de prisme à travers lequel l’historien analyse la société et la culture françaises d’avant-guerre, cette trajectoire atypique, voire énigmatique par sa fulgurance interroge le rapport à la violence physique entretenu par ce jeune pugiliste et plus largement par toute une génération. Tantôt considérée comme un jeu de brute, tantôt comme un art noble, la boxe est aussi le miroir d’une Belle Époque, partagée selon les mots de l’historien italien Emilio Gentile entre « modernité triomphante » et « barbarie de la splendeur ». Son succès s’inscrit, au même titre que celui des sports aériens ou automobiles, dans une « culture de l’agression » semblant annoncer les violences de la Première Guerre Mondiale.Entre 1908 et 1914, au rythme de nombreuses et improbables victoires, la popularité de Carpentier ne cesse de croître. Elle atteint son apogée dans les deux années précédant la guerre, particulièrement lors de probants triomphes face à la fine fleur pugilistique britannique. A l’occasion de matches mobilisant les ressorts du nationalisme anti-anglais, ces affrontements poursuivent la longue inimitié historique entre la France et la « perfide Albion », tout en nourrissant et faisant croître la célébrité du boxeur. A l’aube du culte des vedettes, l’ampleur de sa notoriété peut s’évaluer par une régulière mise en visibilité au sein des médias, la naissance d’une industrie et d’une économie centrées autour de son image et l’émergence d’une forme d’adulation et d’héroïsation de sa personne. Dans une sorte d’allégorie, sa figure, et notamment la contradiction entre son physique de jeune premier et l’extrême agressivité dont il fait preuve une fois sur le ring, incarnerait alors l’ambivalence de la boxe et par la même celle de la Belle Époque.