Thèse soutenue

Édition établie, présentée et annotée de la correspondance inédite échangée entre Jean Schlumberger (1877-1968) et sa femme Suzanne Weyher (1878-1924) de 1899 à 1912.

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Auteur / Autrice : Lucie Carlier
Direction : Martine Sagaert
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue et littérature françaises
Date : Soutenance le 07/07/2020
Etablissement(s) : Toulon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés méditerranéennes et sciences humaines (Toulon ; 2008-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire BABEL (La Garde, Var ; 1998-....)
Jury : Président / Présidente : Peter Schnyder
Examinateurs / Examinatrices : François Ouellet, André Alain Morello
Rapporteurs / Rapporteuses : Peter Schnyder, Pierre Masson

Résumé

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L’édition de la correspondance conjugale entre Jean Schlumberger (1877-1968) et Suzanne Weyher (1878-1924), échangée entre 1899 et 1912, est un document polymorphe ouvert à de multiples usages. D’abord, cette relation épistolaire sert l’histoire des mentalités, car les lettres privées nous font découvrir les jeunes partenaires protestants, à l’aube de leurs fiançailles, puis de leur mariage et nous disent comment ils s’inscrivent dans leur univers social bourgeois. En cela, les missives sont un document historique sur la société bourgeoise de la fin XIXe – début XXe siècle. Ainsi, les 539 lettres reproduites dans la présente édition révèlent tout un pan du passé. Ensuite, ego-document, la lettre est archive du moi. À la manière de Marie-Claire Grassi, nous avons privilégié une « approche monographique sur longue durée », afin de mettre « en évidence l’évolution des sentiments à l’intérieur d[u] couple », en tentant de répondre à la question : l’homme et la femme parlent-ils le même langage ? Cela nous a permis d’affirmer que l’échange épistolaire entre Jean et Suzanne Schlumberger est d’abord un exemple de correspondance amoureuse. Chacun à leur manière, par la narration de la vie de tous les jours, les deux scripteurs « ordonnent et reconstruisent de manière implicite le paysage amoureux ». Au rythme des lettres d’amour, le canal épistolaire devient le lieu par excellence où se construit la sphère familiale, puisque les deux individus deviennent parents. À travers ces extraits de vie que sont les témoignages épistolaires, se constitue une illustration de l’Histoire de la maternité et de la paternité dans un contexte législatif particulier, où la femme est sous le joug du Code Napoléon. Réflexions et pensées autour de ces bouleversements de vie, à la fois intersubjectifs et sociaux, donnent à voir les nouveaux parents essayant de se définir dans leur singularité, entre tradition et modernité. Conjugale, familiale, la relation épistolaire de Jean et Suzanne Schlumberger est aussi artistique. S’affranchissant tous deux d’une éducation commune prohibitive et mus par des idées avancées, les époux s’épanouissent progressivement dans leur art respectif, Jean l’écriture, Suzanne la peinture. Outils privilégiés d’une étude interactionniste entre l’être humain et l’œuvre, les lettres conjugales sont autant de signes qui font sens et illustrent l’histoire intime de deux artistes. Même si Jean Schlumberger affirmait à son amie Aline Mayrisch avoir « jalousement gardé » sa vie privée à l’écart de sa vie littéraire, la correspondance intime et artistique, mêle pourtant, au cœur même des lettres de Jean, le récit de ses rencontres professionnelles, publiques, qui sont engrais pour l’histoire littéraire de l’époque. Et pour cause, à mesure que se développe la carrière d’écrivain de Jean Schlumberger ainsi que sa place, qui devait être cruciale au sein de La Nouvelle Revue Française, la correspondance privée, pourtant par définition close sur elle-même, s’ouvre au monde littéraire. Les notions oxymoriques « privé » et « public » s’entrechoquent au cœur de la correspondance du couple Schlumberger, nous faisant découvrir le rôle minime mais inconnu, de Suzanne au sein de l’entreprise éditoriale qu’est La Nouvelle Revue Française. Dans les lettres de Jean Schlumberger, la frontière, de plus en plus frêle entre intérieur et extérieur s’étiole davantage face à la présence, exponentielle, du futur prix Nobel de littérature (1947), André Gide, empiétant sur la légitimité épistolaire de Suzanne. Celle-ci adopte alors de nouvelles stratégies énonciatives et fait de son amitié avec Madeleine Gide, la marraine de Sabine Schlumberger, un nouveau duo énonciatif rendant le discours épistolaire, polyphonique. Les lettres sont le miroir des relations littéraires et artistiques de l’époque. La correspondance des époux Schlumberger a donc de multiples intérêts, d’ordre historique, sociologique, biographique, psychologique, générique, littéraire et artistique.