Les opioïdes : un verrou à la régénération chez le mammifère adulte ? Dialogue avec le système immunitaire et l'innervation sensorielle
Auteur / Autrice : | Lise Rabiller |
Direction : | Béatrice Cousin-Delarue, Cécile Dromard |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Physiopathologie |
Date : | Soutenance le 24/09/2020 |
Etablissement(s) : | Toulouse 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Biologie Santé Biotechnologies (Toulouse) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : STROMALab (Toulouse ; 2011-2020) |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
L'étude des processus de réparation tissulaire constitue, de nos jours, un axe majeur de recherche dans le domaine biomédical. En effet, la capacité d'un tissu à régénérer après une lésion a été progressivement perdue au cours de l'évolution, laissant place au développement d'un tissu fibrotique associé à une perte de fonction, aussi appelé cicatrisation. L'étude de la régénération chez les espèces encore dotées de cette capacité, comme chez l'hydre, le poisson zèbre ou encore la salamandre, a permis de mettre en évidence le rôle substantiel du système immunitaire et de l'innervation. En revanche, la nature du verrou mis en place au cours de l'évolution, empêchant la régénération d'avoir lieu chez le mammifère reste très peu documentée. Des résultats publiés précédemment par mon laboratoire montrent qu'il est possible de déclencher les processus de régénération chez une souris C57BL/6 qui n'en n'est pas capable spontanément, grâce à l'administration d'un antagoniste des récepteurs aux opioïdes, la Naloxone Méthiodide. Les opioïdes exogènes comme la Morphine, en plus des opioïdes sécrétés de façon endogène après une lésion, sont utilisés depuis très longtemps pour prendre en charge la douleur péri-opératoire. Par ailleurs, les opioïdes sont décrits comme étant i) de puissants immunosuppresseurs et ii) capables d'agir sur les fibres sensorielles à l'origine de la perception douloureuse, en inhibant l'activité de ces dernières. Lors de ma thèse nous avons donc proposé que les opioïdes puissent constituer un verrou au processus de régénération chez les mammifères en empêchant la mise en place d'une réponse inflammatoire adéquate et/ou l'activation efficace des fibres sensorielles suite à une lésion. D'une part, nos résultats montrent, i) que la signature cellulaire (neutrophiles, monocytes, macrophages) et moléculaire (cytokines, chémiokines et médiateurs lipidiques) des phases précoces de l'inflammation post-lésionnelle permet de prédire l'issue de la réparation tissulaire (i.e cicatrisation versus régénération),ii) que les neutrophiles sont la source cellulaire d'espèces actives de l'oxygène (EAOs) requises pour permettre la régénération et iii) que les macrophages dérivés de l'hématopoïèse endogène du tissu adipeux sous cutané permettent au tissu de régénérer grâce à leur haut potentiel d'élimination des neutrophiles (aussi appelé efférocytose), contrairement aux macrophages d'origine médullaire qui, eux, favorisent la mise en place d'une cicatrice. D'autre part, nous montrons grâce à l'utilisation i) du test comportemental Von Frey classiquement utilisé dans le domaine de la douleur et ii) d'un outil développé au laboratoire basé sur la mesure de la pupille, que la régénération induite après un traitement à la Naloxone Méthiodide est associée à une perception douloureuse significativement augmentée. La douleur pouvant être un reflet de l'activation des fibres sensorielles, nous avons donc spécifiquement détruit ces dernières. Cette dénervation des fibres sensorielles inhibe la régénération induite après un traitement à la Naloxone Méthiodide. Enfin, les fibres sensorielles semblent être indispensables en raison de leur sécrétion locale du neuropeptide CGRP, qui contrôlerait i) la mise en place de la réponse inflammatoire requise à la régénération et ii) le remodelage tissulaire en activant la migration des cellules mésenchymateuses vers le site de lésion. L'ensemble de ces résultats nous permet aujourd'hui de proposer comme traitement péri-opératoire/post-lésionnel, la co-administration de Morphine et de CGRP, permettant ainsi à la régénération tissulaire d'avoir lieu tout en gérant la douleur, chez le mammifère adulte.