Thèse soutenue

De l'instabilité de la notion du risque en milieu urbain. Habitants et gestionnaires face aux inondations à Barrio Luján et la Carpio (San José, Costa Rica)

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Auteur / Autrice : Sofia Guevara Viquez
Direction : Jean-Pierre Lévy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Aménagement de l'espace, Urbanisme
Date : Soutenance le 15/12/2020
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Ville, Transports et Territoires (Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne ; 2010-2015)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (Noisy-le-Grand, Seine-Saint-Denis)
Jury : Président / Présidente : Valérie November
Examinateurs / Examinatrices : Pascale Metzger, Patrice Melé, Jean-Pierre Lévy, Mathilde Gralepois, Bruno Barroca, Helga-Jane Scarwell, Julien Rebotier
Rapporteurs / Rapporteuses : Pascale Metzger, Patrice Melé

Résumé

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Depuis une trentaine d’années, les politiques de gestion du risque évoluent dans nombre de pays, sous l’influence de injonctions la Stratégie Internationale des Nations Unies pour la réduction du risque de catastrophes. Dans la région latino-américaine, cette évolution des politiques publiques passe par la création de « systèmes » de coordination interinstitutionnelle reposant sur le principe de subsidiarité et de délégation de la gestion du risque, de l’État vers les différentes échelles territoriales. C’est le cas au Costa Rica où les concepteurs de la politique de gestion du risque cherchent à inclure l’ensemble des acteurs de la société, de l’Etat aux habitants, dans les actions de réduction des catastrophes. En 2006, cette volonté se traduit par l’émergence de comités de quartier de gestion de crise (CCE de leur nom en espagnol). Créés à l’initiative des municipalités, et composés exclusivement par des habitants, ces dispositifs sociopolitiques visent à impliquer les résidents des territoires impactés par des situations d’urgence dans les actions de gestion de crise.Dans l’espace métropolitain costaricien, les CCE sont notamment constitués dans les quartiers affectés par les inondations urbaines, débordements perturbant le quotidien de la ville, emblématiques des risques dits « urbains ». Ces derniers sont liés à des facteurs morphologiques, ainsi qu’aux processus de peuplement, aux activités et services urbains. Résultat d’une multiplicité de facteurs, les inondations urbaines mettent au défi les actions menées par les CCE. Des tensions peuvent alors apparaître entre leurs membres et les gestionnaires locaux les accompagnant dans leurs missions, concernant l’identification des causes des débordements ainsi que les solutions pour les atténuer. La portée des discussions et des actions à mettre en œuvre n’engage pas de la même façon chaque acteur du territoire concerné.À la croisée des études sur le risque et des recherches urbaines, la thèse choisit d’interroger les CCE constitués à San José, capitale du pays, face aux inondations urbaines. En adoptant une approche systémique, la méthode d’enquête s’intéresse aux relations tissées entre les agents municipaux et les riverains au sein de ces comités participatifs. Nous proposons de considérer le risque non comme une donnée, qui dépendrait d’un aléa, ni comme une catégorie d’action stabilisée par les politiques publiques, mais comme une notion dépendant d’une relation entre acteurs, empreinte de tensions, et révélatrice des situations d’inégalités sociales dans les territoires métropolitains. La thèse s’appuie sur des terrains empiriques variés : une étude d’archives institutionnelles, un travail cartographique, et la réalisation d’entretiens et d’observations participantes dans deux quartiers aux profils socio-économiques différents, Barrio Luján et La Carpio.La thèse montre que des dispositifs verticaux, a priori conçus par des bureaucrates pour diffuser une culture du risque au sein de la population, sont instrumentalisés tant par les résidents que par les fonctionnaires locaux, afin de défendre leurs projets et leurs intérêts respectifs dans les territoires concernés. L’approche systémique et comparative révèle que cette instrumentalisation n’est pas univoque, ni fixe, elle évolue au rythme des interactions entre les deux acteurs. Ainsi, en éclairant le caractère contextuel et dynamique de la définition du risque selon les quartiers, la thèse attire l’attention sur le caractère instable des catégories proposées par la gestion publique du risque, réinvesties, voire débordées, par la manière dont les habitants se les approprient. Dans les deux cas étudiés, les riverains ne cessent de rappeler les limites de la politique publique et ses contradictions quant à l’objectif affiché. De ce point de vue, la thèse permet de souligner l’apport des conceptions habitantes du territoire, et invite à une réflexion sur de nouveaux cadres pluralistes pour les politiques du risque