Thèse soutenue

Benjamin et la critique littéraire. La littérature, la vérité et l'expérience historique

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Auteur / Autrice : Martine Buis
Direction : Philippe Daros
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature générale et comparée
Date : Soutenance le 18/01/2020
Etablissement(s) : Paris 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Littérature française et comparée (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études et de recherches comparatistes (Paris)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Philippe Daros, Jean-Yves Masson, Martin Rueff, Tiphaine Samoyault
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Yves Masson, Martin Rueff

Résumé

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Si le travail d’essayiste de Walter Benjamin a fait l'objet d'œuvres importantes dans l'esthétique et la philosophie de l'art, dans la philosophie de l'histoire et la philosophie politique, ses travaux de critique littéraire ont peu été étudiés pour eux-mêmes. L'interférence des principes philosophiques théologiques ou marxistes de Benjamin avec sa méthode critique est la principale objection faite à l'existence d'une authentique critique littéraire qui ne serait pas une philosophie de la littérature projetant sur celle-ci ses idées préconçues au détriment des textes. Or, selon la lettre du 20 janvier 1930 à Gershom Scholem, Benjamin projetait de recréer la critique littéraire en Allemagne contre l'historicisme des genres et des œuvres qui prévalaient à son époque. En prenant à la lettre ce projet de recréation, j'ai émis l'hypothèse qu’il ne pouvait être clarifié pour lui-même qu’en comprenant l'objection épistémologique de l'entrelacement de la philosophie et de la littérature comme le principe de cette recréation. Benjamin tente une dissolution de leur frontière et de leur signification conventionnelle héritées du platonisme. L’origine en devenir du paradigme tragique distribue en un divergent accord leurs réponses respectives au combat inachevé pour un langage qui rendrait justice aux vies profanes effacées sous le régime de justification des ordres historiques, de leurs mythes anciens et nouveaux. En suivant les combats réitérés pour un langage capable de donner à la vie sa vérité propre et son visage sensible, comme de restituer leur expérience historique aux passagers temporaires de l'histoire que nous sommes, Benjamin définit une philosophie non conceptuelle et non discursive dans les formes littéraires dont le but est de re-figurer la vie sans la fonder, en réapprenant à parler par les fictions et les poétiques des zones grises et silencieuses oblitérées par l'Histoire. La célèbre peinture allégorique – mais aussi tragi-comique- de Klee “l’Ange de l'Histoire" trouve ici son contrepoint dans les formes multiples de la littérature. Si celle-ci n’est évidemment pas ce "Messianique Maintenant" qui arrêterait le cours de l'histoire pour achever dans la geste politique ce qu’il y a d’inoubliable dans les inachèvements du passé et qui mérite d’être accompli et sauvé par le présent, elle configure cependant l’espace messianique de la langue qui creuse les routes nouvelles de la subjectivité: le temps d'arrêt et de retenue, qui libère l’espace scénique des jeux de re-théâtralisation des vies multiples et reconfigure dans le langage les noms qui les citent, les multiples ruines et fragments que cet ange allégorique laisse nécessairement sur son bord ou est en train de laisser derrière lui. Benjamin esquisse une épopée de la littérature traversée par les échos lointains des paradigmes tragiques du silence et de la plainte face au cours saturnien de l'histoire.